Il
pleut sur le bruit de la pluie qui tombe sur le bruit de la pluie qui
tombe sur le bruit de la pluie en tout
une fois de plus que vous l’entendez, il pleut des pétales d’images
liquides qui tombent à plat et recouvrent un à un l’écran du pare-brise,
des pastilles fondantes de couleurs qui explosent à la
surface du verre et libèrent leurs capsules de pixels sur la masse
jaunie du figuier, gondolent doucement la carrosserie des voitures –
celle mûre-écrasée d’un break Volvo – escamotent la roue de
secours suspendue à l’arrière d’une jeep, cryptent sa plaque
minéralogique sinon lisible à cette distance, martèlent l’argent des
coupés gris métallisés, nettoient à sec le velours frappé de la
haie de cyprès la plus au fond, cabossent le pied du réverbère,
repeignent touche Morandi le pan coupé de l’immeuble – photo molle du
paysage – il n’y a que ta blondeur gris-étale qui tienne le
coup en terme de remodelage, le rouge des phares passe d’une alvéole
lumineuse à une autre comme par dialyse, comme des bactéries vues au
microscope, depuis mardi je lis de mieux en mieux,
j’arrive à lire toute nue et je rêve d’une peinture love painting qui, lorsqu’on l’applique sur une surface plane, dévête toutes tracées les lettres majuscules du graffiti « BARBARA
TI AMO », les peint déjà écrites, devant et de profil, je passe en souriant et je fais semblant d’être Barbara.
Cécile Mainardi, L’immaculé conceptuel. Deuxième Blondeur, Les petits matins, 2010,
p. 75-77.
« Deuxième Blondeur », parce qu’il y en a une première ;
c’est d’ailleurs par ce titre que je suis entré dans cette belle
collection Les grands soirs des éditions Les petits
matins, qui fait vraiment un beau travail. On aura compris qu’il
s’agit moins d’une suite que d’une nouvelle poussée, on n’est pas obligé
d’avoir lu la Blondeur pour lire cet
immaculé conceptuel – mais ce n’est pas plus mal de retourner s’y plonger (surtout quand on aime l’amour).
(En cherchant une illustration pour ce billet, je tombe un peu par hasard sur cette image ; tiens ! elle vient du
Désordre de Philippe de Jonkheere – obéissons donc au hasard et allons donc nous perdre un peu.)
Je pense un peu à Debord et à Godard mais surtout à l'écran noir de la télé quand les programmes s'interrompaient à 23H30.