Bernard Pivot est mort. Un billet ? Allez : oui. Parce que Bernard Pivot fait partie de ces sujets à travers lesquels je me vois double. Oui : j’ai regardé Apostrophes. Presque tous les vendredis soirs, surtout à la fin des années soixante-dix et au début des années 80. C’était un rendez-vous qui me procurait du plaisir, depuis la musique du générique jusqu’à l’entretien avec Claude-Jean Philippe (là aussi, musique et générique ont compté), suivi du film du Ciné-club, rarement manqué lui aussi. Et puis, c’était une émission littéraire, et je ne rêvais que de devenir écrivain. J’étais adolescent, quoi. Bien sûr que oui : je rêvais d’être invité à Apostrophes. Et puis j’ai été de moins en moins disponible le vendredi soir, et accessoirement je suis devenu de moins en moins adolescent : j’ai moins regardé, j’ai moins rêvé d’Apostrophes. Quand j’ai publié mon premier roman, aux éditions du Seuil, je n’espérais plus grand-chose. D’ailleurs c’est à cette rentrée littéraire-là que Bouillon de culture (que je n’ai jamais suivi) a été remplacé par Campus, dont j’ai regardé le premier numéro ; Nelly Arcan y présentait Putain, l’autre premier roman au Seuil lors de cette rentrée-là (celui sur lequel le Seuil comptait vraiment). L’émission ne m’a guère marqué, sauf une phrase de Guillaume Durand, tellement mémorable que je la cite dans Mon petit DIRELICON : « N’oublions pas que nous sommes dans une émission littéraire. » La conviction que la télévision n’est vraiment pas l’endroit où parler littérature a continué à grandir en moi. Il m’est arrivé de visionner, de temps en temps, d’anciens passages d’Apostrophes. Gros malaise (bien sûr la complaisance face à Gabriel Matzneff, ou le contresens sur Lolita face à Nabokov, mais pas seulement). Je ne regrette pas de n’avoir pas été invité (surtout si ça avait été pour Une affaire de regard, qui se prête bien au contresens). Bref, la littérature, franchement, ça n’était pas vraiment le sujet, sur le plateau d’Apostrophes. Et pourtant, j’ai aimé cette émission. Un jeune moi-même a aimé cette émission. Elle a sans doute contribué à des rêves de gloire qui n’ont pas non plus grand-chose à voir avec la littérature, mais elle a fait partie des vents qui soufflaient sur ma flamme. Alors aujourd’hui, comme ça m’arrive souvent, une chose et son contraire sont vraies à la fois : j’aime Apostrophes, je n’aime pas Apostrophes, j’aime Apostrophes, je n’aime pas Apostrophes, j’aime Apostrophes, je n’aime pas Apostrophes, j’aime Apostrophes, je n’aime pas Apostrophes, j’aime Apostrophes, je n’aime pas Apostrophes…
Merci pour ce rappel qui ravive mes propres souvenirs. C'est vrai, c'était un rendez-vous cathodique que nous suivions tous religieusement.
RépondreSupprimerIl avait un vrai talent d'animateur (sans doute plus que de lecteur).
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