dimanche 4 février 2018

De l'intérêt de ne pas trop s'attacher au sujet avant d'avoir lu le livre

Oui je reviens sur le sujet – car décidément c'en est un : le sujet. Il est au livre une sorte de noyau, qui sert au lecteur de critère de choix – c'est dommage. Car le sujet n'est pas le livre comme le noyau n'est pas le fruit. Mais le sujet présente à la presse l'avantage de lui en fournir un, lui-même, car la presse a besoin de sujets – quitte à ce que l'article, quand il est insuffisant, parle du sujet au lieu de parler du livre. Insuffisant mais l'illusion suffit : le titre est mentionné, le livre marche. Ainsi en est-il, vérifiez-le, de tous les livres qui marchent – même quand ils sont bons. Mais de même que dans la nature tous les fruits n'ont pas de noyaux à proprement parler, tous les livres n'ont pas pour sujet un noyau dur et compact, aussi facilement détachable et propre à l'observation que celui de l'abricot. Et de ceux-là il est naturellement – et je dirais même par nature – beaucoup plus difficile de parler. C'est sans doute la raison pour laquelle vous n'avez pas encore lu l'excellent A tous les airs, de Stéphane Vanderhaeghe, dont le premier roman Charognards avait été justement remarqué. L'apocalypse corviforme, rappelez-vous, y pouvait passer pour le sujet, un pseudo noyau comme en a la chayotte (car ce roman est bien autre chose encore), mais suffisant pour un pitch apéritif. A tous les airs est plutôt kiwi : on y mord sans s'y cogner les dents. J'ai moi-même éprouvé bien du mal à en parler, cliquez sur ma piètre présentation ; pourtant cette absence de sujet aussi n'est qu'un leurre, car après lecture l'imagination en est un, essentiel (un sujet, d'ailleurs le leurre aussi en est un) dans ce roman ; un sujet qui est également un moteur. Mais je pense aussi à Chaos, de Mathieu Brosseau, gauchement évoqué dans mon précédent billet. Il n'a de vraiment commun avec A tous les airs que l'éditeur (oui, c'est aussi le mien, et ce n'est pas seulement par solidarité éditoriale que j'en parle : Quidam ne recule pas devant des choix essentiels qui signent une conception de la littérature que je partage) et le statut de « deuxième roman » – une place difficile. Mais dans Chaos non plus le sujet ne se laisse pas saisir : la trame narrative, résumable en trois lignes, en est plutôt le squelette, et la folie de la Folle n'en est qu'un thème. Le livre se lit dans une sorte d'immédiateté sidérée, à la fois évidente et hypnotique – allez donc en sortant dire « de quoi ça parle » à vos amis, je vous en défie d'autant plus volontiers que pour le relever, il faut lire le livre, il faut lire les livres – et n'hésitez pas à venir râler auprès de votre serviteur si vous êtes déçu : même pas peur.

Résultat de recherche d'images pour "noyau de christophine"

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire