mercredi 22 mai 2013

Faits II, de Marcel Cohen


Parmi les livres que j’ai lus cet été, Faits II, de Marcel Cohen, dont je n’avais encore rien lu, est à coup sûr un de ceux qui m’a laissé la plus forte impression. Mais j’ai du mal à trouver les mots pour l’expliquer. Je comprends mieux d’ailleurs pourquoi la quatrième de couverture est si longue et si précautionneuse. L’objet, a priori, ne revendique pas son statut d’œuvre littéraire. La lecture cependant sans faille le lui assure. Composé d’une matière qui ne doit rien à la fiction, écrit dans une langue épurée qui vise à l’efficacité, Faits II est littéraire d’une manière sobre, mais essentielle. C’est une littérature où le moi discrètement s’efface, se réduit à la simple subjectivité d’un regard, plus souvent encore d’une écoute, celle aussi du choix des motifs ; une littérature entièrement orientée vers le monde, dans sa plus grande diversité – sa plus grande disparité. Sont tour à tour évoqués, en une succession de textes brefs sans titres, juste numérotés comme des chapitres, la résistance héroïque d’un tout petit enfant aux semonces de son père, les messages des déportés sur les murs de Drancy à la veille de leur départ pour Auschwitz, les conditions de vie des marins sur un porte-conteneur, l’étrange odyssée du Buddleia Davidii dont un plant unique parvient à essaimer à travers toute l’Europe… J’arrête la liste : il y a cent cinq textes sur les sujets apparemment les plus variés mais où, le plus souvent (quoique de manière discrète), la résistance joue un rôle essentiel. Là, sans doute, se dessine en creux l’histoire personnelle, à laquelle l’auteur ne donne pas plus de place. Marcel Cohen emprunte parfois ses sujets à la presse, met en scène nommément des personnes réelles et ne craint pas si nécessaire d’insérer des notes explicatives. D’autres fois, il crée des manières de fictions minimales et putatives (« Un homme prend chaque matin… », « Deux fois au moins, se souvient un homme… ») ; quand il ne limite pas son texte à un simple dialogue entre interlocuteurs anonymes. C’est que l’essentiel n’est pas là. Le temps de la mise en forme décorative est dépassé. L’essentiel, c’est de dire, dans l’urgence, ce que vivent les hommes.
 
2007
 
Puisque je sors tout juste de Sur la scène intérieure, le dernier livre paru de Marcel Cohen, c’est peut-être l’occasion de ressortir ces quelques notes qui suivent ma lecture de Faits II, au cours de l’été 2007, avant l’ouverture de ces Hublots. (J’en ai déjà posté un extrait, à propos du Buddleia Davidii, précisément).
http://www.mahj.org/photos/5_auditorium/conferences/zoom/Marcel-Cohen.jpg

 

Commentaires

Les premiers buddléias que j'ai vus s'étaient multipliés au milieu des décombres de Saint-Lô. Il y avait encore des ruines, et nous étions déjà en 1956.
Commentaire n°1 posté par Lza le 23/05/2013 à 09h30
Et maintenant ils sont partout dans les moindres friches.
Réponse de PhA le 23/05/2013 à 21h56
Malheureusement ce sont les papillons qui se font rares. Un papilon brun sur une grappe de Buddléia, c'est... un instant de paradis.
Commentaire n°2 posté par Lza le 24/05/2013 à 08h39
Je vous en ai trouvé un .
Réponse de PhA le 24/05/2013 à 18h28
Ces fleurs de lierre auraient du être couvertes d'abeilles, elles adoraient y butiner. Mais elles aussi sont mortes. Et des "petites totues comme celle-ci, cette année je n'en pas encore vu.
Commentaire n°3 posté par Lza le 25/05/2013 à 09h25
Pour les petites tortues, c'est sans doute un peu tôt, d'autant plus que la saison est très retardée par les intempéries.
On ne peut pas s'en rendre compte mais le jour où j'ai pris ces photos, tout le fond du jardin n'était qu'un vaste bourdonnement, d'insectes très variés.
Réponse de PhA le 25/05/2013 à 17h26
Ces "petites tortues"
Commentaire n°4 posté par Lza le 25/05/2013 à 09h27
Vous nous le dites. Je le redis plus mal : Faits II est d'une intelligence et d'une écriture rares. Chaque texte, ou chaque chapitre - comment faut-il dire? - donne à méditer et en même temps, on dirait qu'il nous regarde -au sens de "ça me regarde" - et qu'il a été écrit pour le lecteur particulier. Je m'emmêle. C'est-à-dire que je pourrais citer des exemples mais ça serait trop long.
Commentaire n°5 posté par Michèle le 04/07/2013 à 23h18
Des textes qui disent et qui disent plus encore.
Réponse de PhA le 06/07/2013 à 11h16

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