lundi 6 mai 2013

Ce que veut être ce livre, je l’ignore.


Je pourrais montrer Issei Sagawa séparé d’avance, le montrer seul avec son cahier, séparé de la classe, le montrer comme je l’ai vu au restau, ne disant pas trois mots, souriant, et malgré ses sourires, séparé de notre joyeuse tablée. Mais ce n’est pas ce que je dois faire, préparer un sens bien construit pour former adroitement des sutures, pour donner à mon affaire son liant, son texte qui conduise le lecteur vers une élucidation de quelque chose, ne serait-ce que du livre lui-même, qui s’en va par tous le bouts, vainement. Plus que pour aucun de mes livres, je dois laisser ce texte à ses défauts, laisser son entreprise même à son énigme. Ce que veut être ce livre, je l’ignore. Je m’efforce de retrouver ce fait divers dans mon existence, de retrouver son contact, là où le hasard l’a placé, à l’origine de ma vie littéraire.
 
Nicole Caligaris, Le Paradis entre les jambes, Verticales 2013, p. 87.
 
Finalement ce n’est peut-être pas plus mal qu’un hasard quand même assez étonnant fasse que ce soit seulement maintenant et par ce livre que je découvre Nicole Caligaris.
L’énormité du sujet – et pourtant il s’impose. Je n’aime pas les sujets – mais on ne les choisit pas (on ne devrait pas). Que celui-ci ait été si longtemps tu, bien sûr. Et qu’à un moment, suffisamment lointain, il se soit imposé : aussi.
Il n’y a pas besoin d’événement pour devenir écrivain. Mais qu’on y soit mêlé, mêlée de si près même de biais au moment précis où l’on en est en passe de le devenir, on ne peut pas fermer les yeux dessus : à un moment le livre « veut » quelque chose, se veut lui-même sans doute ; l’auteur s’y plie.
L’auteur aurait été auteur même sans ça. Un(e) autre ?
 
http://www.sitaudis.fr/Source/280/le-paradis-entre-les-jambes-de-nicole-caligaris.jpg

Commentaires

Un livre mystérieux...
Je me souviens avoir rencontré Nicole Calligaris lors d'une soirée rue de Paradis (dans le 10e), à laquelle m'avait invité Ronald Klapka.
Se retrouver, après coup, mêlée à un "événement" de cet ordre est forcément une interrogation littéraire : comment "s'en débarrasser" ou comment l'affronter et non le laisser enfoui dans l'esprit ?
L'écriture peut sans doute, seule, apporter réponse ou bribes d'échappées à ce phénomène.
Commentaire n°1 posté par Dominique Hasslmeann le 06/05/2013 à 21h06
Bribes d'échappées sans doute plus que réponses. En tout cas ça fait trembler l'image qu'on a de soi comme auteur et qu'on aurait pu croire fixe.
Réponse de PhA le 07/05/2013 à 14h06

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