jeudi 28 février 2019

Blancheneige et les trois ours


« Blancheneige, qui avait grand-faim et grand-soif, mangea un peu de légumes et de pain dans chaque petite assiette et but une goutte de vin dans chaque petit gobelet, car elle ne voulait pas tout prendre au même. Ensuite, elle était tellement lasse qu'elle se coucha dans un petit lit, mais aucun ne lui allait, l'un était trop long, l'autre trop court, enfin le septième fut à sa taille : elle y resta, se recommanda à Dieu et s'endormit. »
- Monsieur, ça ressemble drôlement à Boucle d'or !
- Oui, c'est vrai. Penses-tu qu'une telle ressemblance puisse être le fruit du hasard ?
- Il y a sûrement un des deux contes qui a copié sur l'autre. Mais lequel ?
- On ne peut pas savoir...
« On ne peut pas savoir » a longtemps été la réponse que je faisais à mes petits élèves de 6e. Et puis une fois, tout en répondant « on ne peut pas savoir », je me suis rendu compte de ma bêtise. Bien sûr que si, on peut savoir. Comment le lit d'un des sept nains pourrait-il être trop long pour Blancheneige ? Et regardez la dernière phrase : 7 = 3 ! : « l'un était trop long, l'autre trop court » et hop on arrive au septième ? Non : au troisième. L'espace de ces quelques lignes, Blancheneige n'est plus dans la maison des sept nains : elle a franchi la frontière poreuse du conte et la voilà qui dort chez les trois ours. Autrement dit, il y a dans la version de Blancheneige rapportée par les frères Grimm une interpolation empruntée à Boucle d'or et les trois ours. A un moment donné, les histoires se ressemblent – une jeune fille perdue qui trouve refuge dans une maison vide – et la ressemblance a ouvert ce portail magique discret qui nous fait passer d'un conte à l'autre.
Tiens, en cherchant rapidement sur Internet si quelqu'un d'autre l'a déjà formulé (je suis bien certain que oui même si je n'ai rien trouvé) je tombe sur un livre jeunesse de Véronique Cauchy intitulé Boucle d'or et les sept nains dont l'argument (vous chercherez sur le Net) et le titre confirment que, au moins par l'intuition, je ne suis pas le premier à passer par là.
(Ce petit billet en réponse à l'ami Pierre avec qui nous échangions deux mots à propos des pantoufles de verre – et non de vair – de Cendrillon, évoquées dans Elise et Lise.)

2 commentaires:

  1. Je ne sais pas si mon subconscient a autant travaillé, mais après tout pourquoi pas? Pour ce qui est du conscient en revanche, je suis en mesure de fournir une explication à mon livre, et elle est hélas bien plus terre à terre: j'avais besoin de deux contes très connus dont on pouvait croiser les personnages des titres!

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    1. Ou bien ce sont ces contes qui vous ont choisie pour nous rappeler qu'ils s'étaient déjà croisés par le passé.

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