dimanche 16 août 2015

Mon jeune grand-père (93)



C’est encore une carte fine, comme la précédente.
Bütow, le 4 Février 1917 (sic, il faut bien sûr lire 1918). Mes biens chers Parents. Décidément Edmond est étourdi aujourd’hui.
Rien de bien neuf depuis le 1er. Un interligne plus large que d’habitude confirme ce « rien ». J’ai reçu quelques lettres mais pas un seul colis. Il y a pourtant eu de grosses distributions ; mais j’espère être plus heureux cette semaine : il y en a paraît-il beaucoup à la gare. Comme courrier j’ai reçu les cartes de papa des 17-18 et 21 et la lettre de maman du 20 janvier. Je plains bien ce pauvre Louis de ses engelures ; il doit bien souffrir ; je sais ce que c’est. Je suis pourtant assez heureux cet hiver. Après en avoir eu quelques-unes aux premiers froids, je suis tranquille maintenant ; je n’en ai plus aucune. Je suis assez heureux, je suis tranquille. Il est vrai que je suis toujours les conseils d’Arsène et que je ne quitte pas mes chaussettes la nuit. Arsène. Je vais vérifier mais je suis presque sûr de n’avoir jamais croisé ce prénom. Vérification faite, jamais vu. C’est peut-être le prénom de Daussy. Toutes mes félicitations à Jean ! Qu’il continue ! Cela fera plaisir à ses parents quand ils arriveront. La carte devait être humide par endroits au moment de l’écriture, c’est comme si certains passages étaient écrits en caractères gras. Papa est bien gentil de s’occuper de ma collection de timbres ; je n’ai pas envoyé les timbres russes car avec tous ces retards j’avais trop peur qu’ils se perdent. Ma collection de timbres. J’en parle un peu dans un autre livre possible. Nous avions sans doute, nous avons – car elle existe encore quelque part – quelques timbres en commun, Edmond et moi. Ma première part d’héritage postal. Depuis hier le temps est redevenu assez froid, il gèle assez fort, mais nous ne souffrons pas ; il fait même très chaud à l’intérieur de nos baraques, il n’y a guère que sur le matin qu’il fait un peu froid. Je continue à me trouver bien couché avec mon hamac. C’est épatant comme sommier. Je vous quitte mes bien chers Parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève Louis Ma Tante et toute la famille. Votre fils qui vous aime de tout son cœur. EAnnocque


2 commentaires:

  1. Ah les collections de timbres! Un plaisir, un intérêt de jeunes gens d'une autre époque? Je relisais récemment les tractations entre le Narrateur et son arrogant camarade Lambert dans "Histoire". Merveilleuses descriptions de timbres... Très drôles aussi.

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