mercredi 4 juin 2014

Mon jeune grand-père (41)

Le 4 juin  1917. Mes chers parents. Nous aussi nous sommes le 4 juin, aujourd’hui. Je sentais venir cette concomitance. Ma lecture a pris naturellement le rythme de sa correspondance.
J’ai reçu comme courrier ces jours-ci les cartes de papa des 15-16-17-18 et 21 et la lettre de maman du 20 mai. Comme colis j’ai été aussi bien servi. Sont arrivés les colis gare n°6-7-8 et 10 + 1 colis de pain du 10 mai et le cake n°25. Le cake n°25. Le pain était encore complètement moisi. Tout le reste était en bon état, sauf les œufs du colis n°7, il y en avait un de cassé, il s’était gâté et avait abîmé tous ceux qui l’entouraient. Il y en a eu de ce fait plusieurs de perdus. Je me demande comment un œuf en pourrissant peut gâter des œufs encore en coquille. La question me vient en même temps que la conscience de son inanité. D’ailleurs je n’y connais rien, au fond. L’œuf cassé se trouvait dans un coin. Maman ferait bien de n’en pas mettre dans les coins car souvent il y en a de fendus dans ces endroits, mais jusqu’à présent le son avait bouché les fentes et comme il ne faisait pas très chaud le reste était en bon état. Je ne suis pas sûr de bien lire « son ». La chose me paraît étrange. Mon arrière-grand-mère l’employait-elle pour combler les espaces et caler les œufs ? Pourquoi pas. Vous exagérez les compliments sur les travaux, il y a beaucoup de défauts et j’ai dû faire souvent usage de la colle. Il y a des officiers qui travaillent bien mieux et qui font des choses vraiment superbes. Mais nous ne pouvons pas faire la comparaison, nous. Je ne sais pas si les compliments sont exagérés, mais je m’y joins. Depuis petit, c’est une évidence. Les objets nous sont fournis tout montés et tout dessinés. Quelquefois cependant on change le dessin ou on l’interprète d’une façon différente. J’ai fini le service à fumeurs pour Louis, il est ciré et prêt à être expédié (c’est donc ça, cet aspect sur lequel je ne mettais pas de nom : tous ces objets sont cirés), mais par malheur l’envoi de colis en France est suspendu pour le moment. J’espère que ça ne durera pas trop longtemps car je voudrais que Louis puisse le voir à sa prochaine permission. Je n’ai jamais vu ce service à fumeurs. Un instant la pensée que Louis non plus me traverse – et puis je me dis qu’il était peut-être tout simplement dans les affaires de Louis, peut-être même était-il exposé quelque part la dernière fois que nous sommes allés le voir, au début des années 70. Je ne suis pas là d’avoir fini ce que j’ai projeté car c’est assez long, surtout pour moi qui ne travaille qu’un petit moment par jour. Je vais faire maintenant le cadre pour Tante Marie. Je vous quitte mes chers parents en vous embrassant bien fort tous les deux ainsi que Geneviève et Louis et toute la famille. Votre fils qui vous aime de tt son cœur. EA

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