mercredi 27 octobre 2021

Les temps mythiques

Il a assisté à des colloques où certains de ses congénères, encore demi-larves, se prévalaient d’une imagerie mentale complète en rapport avec les temps mythiques. Selon eux, avant les grandes Corrections, les Vieux-Ancêtres se traînaient au-delà de la surface. Ils avaient la queue divisée en deux jusqu’au milieu du corps, et se dressaient sur ces deux sections chancelantes en essayant de maintenir la tête dans l’axe de l’épine dorsale. Leurs mains n’étaient pas palmées, leur peau était raboteuse, ils portaient des algues au-dessus des yeux et sur le front, leur entrejambe étaient bizarrement ouvert ou gonflé, ils étaient mous. Très faibles, peu disposés à la survie, ils s’accrochaient pourtant à une culture exosomatique aux dimensions inimaginables. Leurs Amas étaient immenses et couvraient en grande partie les étendues désertiques. Ils ne les quittaient jamais. La maturité ne les atteignait pas. La politesse n’étaient pas le régime politique commun, ils n’en avaient pas. Leur fragilité était compensée par une fécondité proliférante, comme chez toutes les espèces mal armées, ils corrigeaient les pertes par une reproduction massive. Quand les pertes diminuèrent, ils ne prirent aucune mesure. Avant la formation de la Poussière, les Amas se touchaient les uns les autres, entraient les uns dans les autres, jusqu’à s’empiler les uns sur les autres. Les Vieux-Ancêtres grouillaient complètement sur le désert.

Céline Minard, Plasmas, Rivages, 2021, p. 136



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