jeudi 18 avril 2019

Seule la nuit tombe à côté.


Enfin une critique franchement négative ! (C'est ici, cliquez donc.) Je la lis avec intérêt et ne suis pas loin de partager l'avis de son auteur sur ce qui est raconté dans Seule la nuit tombe dans ses bras (je parle du contenu, pas du roman). En revanche il est probable que nous n'avons la même conception de la littérature : « notre simple réflexe de lecteur candide consiste à chercher le plaisir là où, naturellement, le roman les dispense, à travers une histoire attrayante et des personnages consistants, auxquels on a la faiblesse de s’attacher ». J'avoue que mon simple réflexe de lecteur, car j'en suis un aussi, consiste à chercher le plaisir partout ailleurs que « là où naturellement le roman les dispense ». J'ai du mal à croire à des personnages qui existeraient au-delà de leur inconsistance ; et c'est leur inconsistance même que je creuse quand j'écris. (Flaubert oui, Balzac non, si vous voulez). Quant à raconter une histoire attrayante, le ciel m'en préserve : la vie ne l'est pas et je me prends pour Dieu.
Ce qui m'intéresse surtout, en fait, en lisant ce billet, c'est la question de l'horizon d'attente. La littérature serait supposée être ceci, ou cela. Comme nous, quoi. Nous aussi, nous vivons dans l'éternelle injonction à être ceci ou cela. Difficile dans la vie de faire autrement, mais au moins dans l'écriture prenons le risque de rester sourds aux injonctions. Dans une première version de Seule la nuit, le récit lui-même était mal écrit, par souci de cohérence avec le sujet. J'ai eu la faiblesse, ou la sagesse, c'est pareil, de corriger ça un peu parce que même pour moi ça devenait illisible – c'est pour ça aussi qu'il me fallait un narrateur écrivain. Mais pour les échanges eux-mêmes, la pauvreté de leur écriture est un hommage à celle de nos propres échanges, à nous tous, dès lors que nous écrivons sur une messagerie numérique. Cette pauvreté, et celle des moyens déployés par Coline et Herbert pour faire durer un peu leur histoire, peut-être est-ce elle qui, regardée hors de tout jugement moral, peut avoir quelque chose d'émouvant, dans leur caractère dérisoire même. « Rien de ce qui crée la dépendance virtuelle, née d’un fantasme, ne nous sera épargné. » Bon, je n'ai pas tout raté alors.

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