c’est incroyable tout ce qu’on peut faire entrer dans un poème. en gare de Bordeauxles graffs semblent flotter au-dessus du ballast. odeur de saucisson. je saisis au vol un fragment de conversation. ne t’inquiète pas pour nous. plus loin des grumes débardées sur un chargeoir. c’est beau. des arbres partout. qu’y a-t-il de plus proche de l’idée de nous qu’une vraie forêt. je suis caché dedans. et toi. et toi aussi. même si cela ne se voit pas nous changeons de département. le ciel est bleu les maisons sans ascenseur. et il y a les montagnes. geste gracieux de la main. une cloche d’ici sonne pile 19 heures. j’écoute le bruit blanc en contrebas du torrent permanent. c’est la différence entre je et nous. comment peut-on penser ensemble. comment peut-on ne pas. même un ange passe. et pour m’aider à terminer le premier chant de ce poème je reçois des SMS de mes deux garçons. A. m’écrit j’ai bien joué au théâtre j’étais Lucky Luke et Camille Pikachu. gros bisous. M. me dit je me sens mieux. hier j’ai pris un bain d’avoine c’était confortable. gros bisous.
Frédéric Forte, Nous allons perdre deux minutes de lumière, POL, 2021.