Inplicit Joël Baqué, la
fonte des glaces :
« Louis prend la
tasse de café et remercie Alice devant le corps raidi. »
Pour ceux qui auraient
oublié la règle de ce petit jeu littéraire que j'ai inauguré il ya quelques mois : je prends les premiers mots de l'incipit
auxquels je colle les derniers mots de l'explicit. Ça colle
particulièrement bien ici, on a presque l'impression que la phrase
va de soi. Ça colle même, oserais-je le dire ? improbablement
bien.
Des quatre romans publiés
par Joël Baqué (je les ai tous lus, vérifiez par vous-même, et
même un peu aussi sa poésie), la fonte des glaces est le
plus improbable : l'histoire d'un charcutier retraité et
déprimé qui devient sans le vouloir une icône de la cause
écologique. Il y a quelque chose là qui tient de l'effet papillon
et qui signe à la fois une conception de la littérature et une
vision de la relation de l'homme au monde. Joël (oui j'avoue c'est
un copain) laisse à la littérature la chance du hasard et le destin
de son charcutier sur la banquise n'est pas plus invraisemblable au
fond que celui du policier poète que l'auteur est aussi. Il peut
faire mourir un personnage sous le pied d'un éléphant (le père du
héros) sans qu'on se dise « c'est un peu gros » :
le ton y est qui rend tout possible et la couleur trop voyante (un
orange récurrent de père en fils) lui va bien.
Du point de vue du
lecteur que nous sommes vous et moi, attendez-vous clairement à du
cocasse, mais la loufoquerie est douce et nous parle de l'homme et du
monde en en disant au fond la même chose que le très beau et quand
même assez triste La mer c'est rien du tout du même Baqué
de l'an dernier. Il y a quelque chose sur quoi clairement on n'a pas
prise mais on va faire quand même. La chance au hasard que l'auteur
donne à son écriture aboutit à des romans à chaque fois bien
singuliers, l'écriture elle-même n'y est pas même ; il y a de
l'aventure dans cette façon de la pratiquer, elle n'attend plus que
vous.
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