Les éditions des Grands Champs
qui nous avaient régalé l’an dernier de la merveilleuse Botanique parallèle de Leo Lionni nous propose cette année un nouvel objet d’émerveillement, lequel
prend pour sujet un autre objet d’émerveillement. J’avoue que je n’en
connaissais pas l’auteur, c’est pourquoi en bon élève je vous recopie sa
présentation en quatrième de couverture : « Jean-Pïerre Le Goff
(1942-2012), fils d’un marin perdu en mer, a très jeune fréquenté surréalisme,
pansémiotique, banalyse et ’pataphysique. Dans chacun de ses écrits, l’évidence
reste la même : le fil secret du monde est aussi ténu qu’infini, et
immense est la joie de le tirer. » En l’occurrence, c’est de la coquille
qu’il la tire, ou plutôt du coquillage, des coquillages, rares ou communs, ceux
qui nous fascinaient enfants et ceux que nous n’osions pas imaginer, toute une
collection sans doute, qu’on sent posée en face de lui, objets sur la table et
objet de la pensée, sécrétion du mollusque disparu sécrétant à son tour un
nouvel habitacle, ce livre CoQuillages :
« La plupart des notes de ce
livre sont construites sur des enchaînements de pensées, souvent d’une
viabilité ténue, mais qui n’en sont pas moins des raisonnements. Elles sont à
l’image des coquillages qui semblent le produit d’une déduction de
propositions, ou tout au moins d’une réflexion. Il est logique que ces textes
calquent les processus perçus à la confrontation de l’esprit aux
coquillages »
écrit Le Goff aux pages 162-163
de ces CoQuillages, donc, qui sont sans doute aussi probablement à
l’origine du caractère bizarrement spiralé que je découvre à l’instant au
développement de cette note même, que vous avez sous les yeux, vous étonnant de
me voir tant tarder à vous signaler la coquille de ce titre, qui manquait au
texte comme le mollusque à sa coquille déshabitée, et lui a été trouvée par son
préfacier Didier Semin, coquille (et référence à Boris Vian de Le Goff à
l’intérieur du texte) oblige, dont il ne faudra pas manquer de lire la
lumineuse préface.
On aura compris que CoQuillages
est tout à la fois un livre sur les coquillages et un livre sur notre rapport
aux coquillages, livre aussi bien de nature que de culture donc, j’en pourrais
prendre pour exemples quelques perles car en effet il y en est question, mais
je préfère signaler le cône marmoreus de Rembrandt, rendez-vous page 50,
qui ignorant la nature dextrogyre de l’enroulement de ce gastéropode, en
réalisa une gravure fidèle dont l’impression mécanique le représentant en
miroir en fait un coquillage imaginaire sans que la volonté de l’artiste y soit
pour quelque chose. L’homme, frère du mollusque à son insu, prend conscience
que sa conscience même obéit à des lois qui le dépassent.
Et puisque décembre arrive, c’est
le moment de rappeler que CoQuillages est aussi un beau livre non
seulement parce que c’est un beau livre, mais aussi parce qu’il appartient à
cette catégorie aux somptueuses illustrations, qu’on aime à offrir à un lecteur
précieux.