samedi 14 juin 2025

Souvenirs de ma mère, Les Singes rouges, 10

 Choisir quoi écrire



C’était l’année de son départ, à Maurice, pour la Martinique. Tante Charlotte, une cousine de ton père, a raccompagné Maurice à la Martinique. Parce qu’il entrait au lycée, en sixième.


Ton père, mon grand-père, est né en 1876.

Nous traversons le temps, dans la famille.


Ça a sans doute été une mauvaise chose, envoyer Maurice de l’autre côté de la mer, en Martinique. Mais c’est une autre histoire, je ne la connais pas.


Une traversée, ça n’est jamais anodin.


Faut-il qu’il garde ceci ? Quel sens cela a-t-il ?

Comment faire pour savoir ce qui a du sens et ce qui en a moins ? Comment être sûr ? Ce qui n’a apparemment pas de sens maintenant en aura peut-être plus tard.



Ne laisser que la tête



A Cayenne, elle a habité rue Lallouette. En face de la famille Satiné.


C’est elle qui lui raconte, et lui plus tard il écrit.


Raymonde Satiné était sa camarade, mais un jour elle l’a accusée d’avoir cassé son phono. Son père était créole et sa mère chinoise.


C’est dans la maison de la rue Lallouette qu’un jour elle a aperçu un chat qui avait mangé son petit. Il n’en restait plus que la tête.


Il se dit que peut-être ce n’était pas son petit, que peut-être c’était un autre chat. Mais ce qui compte c’est que, à ses yeux d’enfant, c’était son petit.

Et puis qu’est-ce qu’il en sait. C’était peut-être son petit.


Elle a toujours aimé les chats, les chatons.


Il n’en restait plus que la tête.


(Et comme la mort est bien gourmande ces temps-ci, voici qu'elle vient aussi, après mon frère, mon père et ma mère, d'emporter mon beau-père. Dire que nous l'aimions beaucoup serait bien peu dire. Dire est toujours bien peu.)

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