Voir les Chinois grands
Parmi les gens qu’ils fréquentaient, il y avait la famille O Ting You. Monsieur O Ting You était un grand Chinois fortuné – relativement fortuné par rapport aux personnes du pays – qui avait épousé une Créole.
Il possédait plusieurs commerces. Il avait deux filles. La cadette s’appelait Olga, comme toi ; elle avait ton âge. Elle était typiquement chinoise, alors que sa sœur était typiquement créole. C’était la filleule de ton père, qui était un ami de Monsieur O Ting You. Tu te rappelles être allée déjeuner chez eux, avec des baguettes ; tu n’y arrivais pas. Ça faisait rire Olga.
Ce paragraphe, il vient de le recopier tel quel de la version précédente. Ça lui évite les confusions de personne.
Olga était un prénom courant à cette époque. Au moins en Outremer. Il a toujours eu un peu de mal à imaginer que Olga soit un prénom courant. Moins maintenant. Moins maintenant qu’il prend de l’âge, et que son prénom courant à lui est en passe de devenir un prénom d’un autre temps.
Prénommer sera l’un des sujets de ce livre.
Comment nommer les personnes, nommer les choses, c’est le sujet de tous les livres.
Monsieur O Ting You, elle l’a revu une fois, plus tard, en Martinique. Il revenait de Chine et y faisait une escale avant de rejoindre la Guyane. Il s’était remarié – elle n’a jamais connu sa première épouse – avec une jeune femme chinoise, en costume traditionnel. Il lui a donné un gros billet de cinq francs. Pour elle, c’était une somme considérable. Elle devait avoir neuf ans. Il a toujours été très gentil avec elle.
Non, Olga n’était pas avec lui.
Par la suite elle a été surprise en entendant dire que les Chinois étaient petits. Pour elle ils étaient grands, sans doute à cause de son souvenir de Monsieur O Ting You.
Les Singes rouges, Quidam éditeur
