Un dernier livre avant la
fin de l'année, c'est Une immense sensation de calme, le
premier roman de Laurine Roux paru aux éditions du Sonneur au mois
de mars si je ne me trompe pas, si bien que ce billet tombe un peu
comme un cheveu sous la soupe : tout le monde a déjà dit la
beauté de ce roman – un conte au moins autant qu'un roman – et,
une fois n'est pas coutume, tout le monde a raison. Ne comptez pas
sur moi pour vous raconter quoi que ce soit de l'histoire, ce serait
trop facile : un conte, ça raconte, et celui-ci en effet conte
et enchante. Trop facile mais complètement inutile, car à raconter,
on ne dit pas ce qu'il y a dire vraiment, ce qui se joue dans le
rapport à la vie, à la mort, à la nature. Quelque chose
d'essentiel et de trop souvent perdu de vue, que l'on découvre peu à
peu, avec l'héroïne, également narratrice, double de Laurine Roux
qui très certainement, elle aussi, au cours de cette écriture, a
découvert quelque chose, d'intime et d'universel. Si vous voulez en
savoir davantage, dans quelle sorte de Sibérie sauvage et rêvée se
déplacent ses personnages (il y a là notamment un discret retour à
la vie nomade qui me touche), vous pouvez bien sûr chercher sur
Internet, mais le mieux c'est encore de lire ce très beau premier
roman.
lundi 31 décembre 2018
samedi 29 décembre 2018
vendredi 28 décembre 2018
crise de la représentation
- L'actualité nous le prouve : il
y a une crise de la représentation.
- Bien sûr, les Gilets Jaunes...
- Je pensais plutôt à la manière
dont la presse...
- Je suis bien d'accord avec vous.
- … présente la rentrée littéraire
de janvier. Mais oui, vous avez raison : c'est la même chose.
Noirs cafés 5
Parfois il y a des
fourches. Il faut prendre à droite ou à gauche. Un choix s'impose.
On a l'impression qu'il est capital. Aller à droite, ça n'est pas
du tout la même chose qu'aller à gauche. Tout sera différent. Tout
sera différent.
La bonne blague.
On peut aussi choisir de
monter ou de descendre. Autre illusion. Même quand tu montes, tu
descends. Mais si : tu descends. La seule différence, c'est que
comme tu te fatigues un peu, tu crois que tu fais quelque chose.
jeudi 27 décembre 2018
papillon noir
Si le
papillon du titre qui traverse ce roman a la blancheur de l'espoir,
le lecteur ne peut s'empêcher d'en voir un autre, noir, qui tisse
les destins croisés des quatre femmes, héroïnes à part égale de
Quatre femmes et un papillon, de Valérie Allam, qui vient de
paraître aux éditions du Caïman, tout de noir vêtu car en effet
c'est un roman noir. C'est tout à fait le genre de roman dont il ne
faut rien raconter alors je ne raconterai rien. Quelques mots quand
même sur la narration qui passe du point de vue de l'une à celui de
l'autre, des échos lexicaux y jouent le fondu-enchaîné, et tisse,
donc – ce texte est textile – une trame qui échappe aux
personnages, perdus, perdues plutôt, et parfois traquées, dans un
décor cruel d'autant plus absurde que nous sommes, nous lecteurs,
seuls à en savoir plus, papillonnant que nous sommes de l'une à
l'autre, remarquant des coïncidences qui frôlent parfois le
surnaturel, invités à imaginer que tel personnage, qui a un moment
a fait ceci, est peut-être aussi celui-là, qui à un autre moment a
fait cela. Car les identités sont en question. On est assigné à un
rôle social, on ne croit pas qu'on puisse jamais en sortir, s'en
sortir, on y croit un instant ; ou bien on se rend compte qu'on
n'est plus, mais alors plus du tout celle qu'on a été, une
métamorphose a eu lieu, parce qu'on a vécu quelque chose, quelque
chose de terrible, sans doute faut-il vivre quelque chose de terrible
pour devenir un papillon, un papillon blanc, un papillon noir.
mercredi 26 décembre 2018
dimanche 23 décembre 2018
Nouvelles très brèves (23)
Ce soir-là, sans
regarder la pendule, la famille Berdurier resta à table près de
cinquante-six minutes. Madame Berdurier ne l'avait pas regardée non
plus durant les deux heures et trente sept minutes qu'elle passa à
préparer le repas. Le lendemain matin, Paul Berdurier ne regarda pas
sa montre, il faut quand même préciser qu'il ne resta que
cinquante-six secondes aux toilettes.
samedi 22 décembre 2018
Noirs cafés 4
On est trop. Beaucoup
trop. Autrefois, on disait : « il faudrait une bonne
guerre ». On ne le dit plus. On sait bien que ça ne sert à
rien : on a déjà essayé, on est toujours beaucoup trop. On
est même encore plus. On fait toujours la guerre, mais maintenant
c'est surtout par habitude, sans conviction. On sent bien que le cœur
n'y est plus.
jeudi 13 décembre 2018
Noirs cafés 3
Il a rendez-vous avec sa
vieille maîtresse. Il se demande s'il va la reconnaître. La
dernière fois, ils ont bien failli se rater. Il lui semblait
pourtant qu'elle avait des cheveux, et puis finalement non. Elle non
plus d'ailleurs, elle ne le reconnaissait pas. Il n'avait plus de
cheveux non plus, il faut dire, mais il lui semblait pourtant que ça
faisait longtemps. Il n'était même pas certain d'en avoir jamais
eu. Peu importe, elle n'avait jamais eu une très bonne vue. Encore
un point commun entre eux. D'ailleurs, il lui était resté un doute,
à lui, après cette dernière rencontre. Était-ce vraiment sa
vieille maîtresse ? Si ça se trouve, c'était une autre
vieille maîtresse qui l'avait pris pour son vieil amant à elle.
Elle avait peut-être un vieil amant elle aussi. Ça n'a pas
tellement d'importance. Il ne lui demandera rien, quand elle
arrivera. Il n'essaiera pas d'éclaircir la situation. Ça changerait
quoi ?
lundi 10 décembre 2018
Seule nuit tombe dans ses bras et Mon jeune grand-père ont les honneurs du Temps
Seule
nuit tombe dans ses bras et Mon jeune grand-père ont les honneurs du Temps, le quotidien suisse, grâce au regard attentif
d'Isabelle Rüf. Un même article pour ces deux livres si différents,
il fallait que ce soit dans le Temps : en 2001 déjà elle
écrivait sur Une affaire de regard, dont le héros, elle s'en
souvient, est l'auteur de Seule la nuit..., enfin de Même la nuit
tombe dans ses bras, dont je ne suis officiellement que le
préfacier. Et beaucoup d'autres, entre ces deux-là, sont cités,
Notes sur les noms de la nature, Elise et Lise, Pas
Liev, avec les liens vers les articles les concernant (tiens elle
a oublié Liquide, sur lequel elle avait aussi écrit un bel
article). Sensation agréable et curieuse de vieille connaissance
avec une personne jamais rencontrée, même pas par mail. Un plaisir
qui va au-delà de la seule promotion des livres. La lecture, c'est
quand même quelque chose.
samedi 8 décembre 2018
Discernement de Guillaume Contré : le lieu par où ça pense
« La
main tendue du serveur était très blanche, ce qui contrastait avec
son visage brun. Mais elle n'avait pas de gouttes de sueur. C'était
une main propre. Ce n'était en aucun cas une main travailleuse, ce
qui rendit Frédéric perplexe. Le travail n'était pas censé se
lire sur les mains des gens ? Question à laquelle il ne
répondit rien. En partie car la blancheur immobile de cette main
blanche l'aveuglait, ce qui ne lui permettait pas de penser, et en
partie car une autre idée s'imposait à lui, celle des lignes de la
main. Lignes que dans le cas présent il ne voyait pas. Peut-être
n'étaient-elles pas là. Ces lignes qui parcouraient l'éventail de
la paume en s'ouvrant en éventail. Sillons obstinés, se dit-il. Et
il le répéta pour lui-même : sillons obstinés. Cela lui
sembla un bon titre pour un essai ou un recueil de poèmes. Il avait
écrit des essais, mais pas de recueils de poèmes. Il ne se sentait
pas d'habileté pour le lyrisme, pas non plus pour la rime. Mais pour
les idées, oui. Les idées lui plaisaient. Elles surgissaient
facilement, l'une après l'autre. Il suffisait de les relier un peu,
et c'était bon. Relier, c'est un peu comme rimer, pensa-t-il. Il
s'agissait de construire des résonances. Ce sont les résonances qui
donnent le sens, comme la rime dans un poème, pensa-t-il. Encore que
les rimes soient plus esthétiques que les idées, pensa-t-il. Ou
non, se corrigea-t-il, non : les idées bien reliées sont
belles aussi. Bien relier, c'est ne pas laisser de trous dans la
trame, pensa-t-il. Personne n'a envie de porter un pull plein de
trous, pensa-t-il. Lui non plus, même s'il ne prêtait pas toujours
une attention suffisante à ses vêtements. »
C'est
un passage de Discernement, de Guillaume
Contré, qui vient de paraître chez Louise Bottu. On
croit qu'on y suit Frédéric, mais en fait non, on suit la pensée
de Frédéric. Frédéric aussi suit sa pensée. Souvent on croit,
vous croyez que vous pensez. Alors que non, vous ne pensez pas. Vous
êtes juste traversé par votre pensée. Vous êtes le lieu par où
ça pense. Une pensée me traverse et je la laisse me le dire :
je suis le lieu de la pensée qui me laisse me dire que je ne suis
que le lieu de la pensée qui me laisse me le dire, que je ne suis
que le lieu de la pensée qui me laisse vous le dire.
lundi 3 décembre 2018
Noirs cafés 2
Il tient sa main droite
dans sa main gauche. Il n'a pas de poche où la mettre. Il ne voit
pas comment la tenir autrement, et il ne veut pas s'en défaire. Il a
pensé la donner à son chien, qui saurait bien quoi en faire, mais
il n'a pas pu s'y résoudre. Alors il la garde dans sa main droite.
Ça lui fera un souvenir de lui-même.
dimanche 2 décembre 2018
Noirs cafés 1
Parfois le squelette se
désolidarise du reste. C'est étrange. Il se défait dans un
cliquetis gracieux et tombe en petit tas, tandis que l'amas des
chairs et des organes joue les coussins informes à côté. C'est là
qu'on regrette que la fourrure humaine soit si pauvre.
Je commence à poster ici deux ou trois petites choses que j'ai écrites avant-hier dans un café, devant un café (oui : noir). Il n'y en a que quelques-unes mais si je retourne prendre un café, on ne sait jamais, il y en aura peut-être d'autres.
mercredi 14 novembre 2018
des nouvelles des nouvelles très brèves et autres nouvelles guère plus longues
Et
sinon, en dehors de mon coming-out orphelin d'hier à propos de mes
super-pouvoirs et de ma double identité, j'ai eu tout à l'heure la
surprise d'entendre deux de mes toutes récentes Nouvelles très
brèves postées ici même lues aux Jeudis de l'Oulipo parmi
Borges, Michaux et Chevillard entre autre, hop le lien vers l'émission (moi c'est à 52'52 et 57'17).
Par
ailleurs je retirerai mon masque samedi prochain après-midi au Salon de l'Autre Livre sur le stand des éditions Lunatique avec Mon
jeune grand-père (sans doute pas très loin des éditions des
Grands Champs où l'on trouvera aussi mes Notes sur les noms de la
nature), le lendemain je serai toute la journée au Salon des Essarts-le-roi, vendredi 23 novembre à 19 je serai en duo pour
parler d'amour avec Pauline Delabroy-Allard à la toute nouvelle Chouette Librairie de Lille (car Seule la nuit tombe dans ses
bras), dimanche 25 après-midi je serai à Radio-France fête le Livre, et vendredi 30 novembre je serai l'invité de la librairieTulitu à Bruxelles. Il y a plein de liens utiles en cliquant pour en
savoir plus.
lundi 12 novembre 2018
Stan Lee m'a imaginé en 1963
Stan
Lee m'a imaginé en 1963, un an après Spiderman, un an avant
Daredevil, la même année que les X-men. Il m'a donné des
super-pouvoirs que je n'ai pas découverts tout de suite et qui me
pourrissent un peu la vie depuis que j'en ai pris conscience. C'est à
lui aussi évidemment que je dois mes problèmes d'identité. Et sans
doute aussi une soif de reconnaissance personnelle qui contrarie
parfois mon idéal de justice. Nous sommes sûrement nombreux dans ce
cas-là, à nous sentir un peu orphelins ce soir.
dimanche 11 novembre 2018
jeudi 8 novembre 2018
Un beau jeudi
Le
bonheur est parfois une sorte d'attracteur étrange, pour parler
comme Lorenz, en tout cas la coïncidence est belle à mes yeux de la
sortie de Mon jeune grand-père – on vous attend ce soir dès
19h mais même plus tard pour fêter ça à l'Espace l'Autre Livre,
13 rue de l'Ecole Polytechnique, à Paris – et ce très bel article
d'Alain Nicolas dans l'Humanité d'aujourd'hui à propos de Seule
la nuit tombe dans ses bras, lisez plutôt, ça n'est pas
impossible en cliquant, ou même mieux, achetez l'Huma !
mercredi 7 novembre 2018
Le 7 novembre 2018 Mon cher papa,
Le 7
novembre 2018
Mon
cher papa,
J'ai
recopié comme j'ai pu toutes les cartes qu'Edmond a écrites à ses
parents pendant qu'il était prisonnier en Allemagne, du printemps
1916 jusqu'à la fin de la guerre. Ce n'a pas été toujours facile,
comme tu peux t'en douter ; elles sont écrites en tout petit et
au crayon à papier effacé par le temps. D'autant plus que je ne
connais pas la plupart des personnes citées, et que tu ne peux pas
me renseigner tellement davantage puisque Edmond, malheureusement, tu
ne l'as pas connu. C'est pour cela d'ailleurs que je me permets de
l'appeler Edmond, mon jeune grand-père ; après tout l'âge il
a l'âge de mon fils, ton petit-fils. J'ai donc recopié ces cartes
comme j'ai pu tout en insérant mes propres réflexions, mes propres
doutes, au moment même de l'écriture ; comme ça tu peux lire
ce que j'ai lu au moment même où je le découvrais. Il m'a semblé
que, en procédant de la sorte, ça devenait un objet littéraire,
autant qu'un témoignage historique. Du coup je l'ai proposé à un
éditeur, qui en effet a bien voulu le publier. Le livre paraît
demain, nous fêterons ça à l'Espace l'Autre Livre, à Paris, 13
rue de l'Ecole Polytechnique, à partir de 19h. Ce serait compliqué
pour toi d'être parmi nous mais je sais bien que tu le seras par la
pensée. Comme tu as déjà pu le voir, le livre est un bel objet. Et
comme dit Edmond dans l'une de ses cartes que mon éditeur cite en
couverture, « ce sera un souvenir ». C'est une bonne
chose car nous n'en avons pas beaucoup. Je te quitte mon cher papa,
en empruntant à ton père sa formule habituelle, qui dit bien ce
qu'elle veut dire.
Ton
fils qui t'aime de tout son cœur,
Philippe
lundi 5 novembre 2018
mardi 30 octobre 2018
Dans Annocque il y a le coq & l'âne.
Dans
Annocque il y a le coq & l'âne. Car enfin qu'est-ce que cet
auteur qui publie successivement un recueil d'aphorismes poétiques
sur les plantes les champignons et les animaux, un roman érotique
virtuel, et maintenant un recueil de cartes d'un prisonnier de la
première guerre mondiale ? Du même auteur ? Vraiment ?
Évidemment
non. Évidemment le même auteur n'est jamais même. Et pourtant si.
Et pourtant c'est le même.
Car
Notes sur les noms de la nature n'est pas un recueil
d'aphorismes poétiques sur les plantes, les champignons et les
animaux. Bien sûr il a fallu pas mal de botanique, de mycologie et
de zoologie pour l'écrire (parce qu'on écrit avec ce qu'on connaît
et que tous les sujets sont bons) et pourtant c'est avant tout un
livre sur les mots. Sur les noms, plus précisément. D'ailleurs
c'est écrit dans le titre. Quant à Seule la nuit tombe dans ses
bras, ce n'est pas, ou en tout cas pas seulement, un roman
érotique virtuel, ni seulement un roman d'amour virtuel, ni
seulement une évocation sociétale des nouveaux modes de relation à
l'ère numérique ou quelque chose comme ça, mais une invitation à
s'interroger sur ce que peuvent, ou ne peuvent pas, les mots – mais
cette fois-ci, entre les gens.
Et
donc le 8 novembre paraîtra aux éditions Lunatique Mon jeune
grand-père. Bien sûr, il s'agit des cartes que mon grand-père,
tout jeune, écrivait à ses parents pendant sa captivité en
Allemagne du printemps 1916 jusqu'à la fin de la guerre, et que j'ai
recopiées en donnant à lire en même temps ma propre lecture
immédiate. Rien de plus éloigné a priori des deux livres
précédents. Et pourtant, en relisant Mon jeune grand-père,
j'ai eu la surprise de trouver sous ma plume la même référence à
Austin (« how to do things with words ») qu'au début de
Seule la nuit tombe dans ses bras – non, je m'en souvenais
pas. C'est que Mon jeune grand-père est aussi, à sa manière
toute différente, un livre sur les mots. Quand les mots sont tout ce
qui reste pour dire « je pense à vous », « je vous
embrasse », « je suis vivant ». Pour le dire, sans
pouvoir le faire, parce que la vie n'est plus visible, la vie est
enfermée. Oui la vie a été sauvée par la captivité, très
certainement ; mais la vie a été ôtée par la captivité,
très probablement. Mais ça je vous le laisse lire.
lundi 29 octobre 2018
Nouvelles très brèves (22)
Le docteur Emilien
Charpot aurait sûrement trouvé le remède à cette maladie, si
Colette Levasseur n'avait pas raté le train qu'avait pris par erreur
Amédée Charpot, lequel ne l'ayant pas rencontrée ce jour-là n'a
pas pu l'épouser dix-huit mois plus tard ni lui faire les six
enfants dont le benjamin, le jeune Emilien, se serait sans aucun
doute très tôt fait remarquer par son goût pour la médecine. A
quoi ma mort aura-t-elle tenu !
jeudi 25 octobre 2018
Martin, le héros et les autres.
Le héros et les
autres, c'est l'histoire de Martin, qui ne sait pas comment faire
avec les autres, dans toute leur quotidienne opacité, toute leur
virilité ordinaire, et qui ne sait pas qui est le héros de sa
propre histoire. Le héros prend la forme d'un jeune homme anonyme au
cri muet, sur le point de mourir depuis un siècle, sans avoir rien
demandé à personne, mais proclamé héros au milieu du square
urbain d'une ville qui n'en est pas une, un peu absurde lui aussi ce
square urbain à la campagne ; c'est peut-être pour ça que
Martin aime ce lieu. Car Martin aime les lieux. Sa principale
activité est de les parcourir, de les découvrir, de les faire
découvrir. Depuis Passerage des décombres, du même Antonin
Crenn, on avait compris que les lieux sont les lieux de la découverte
de soi, ou quelque chose comme ça. Le héros et les autres est
un bref et beau roman qui poursuit ce chemin. Il vient tout juste de
paraître aux éditions Lunatique.
mercredi 24 octobre 2018
Nouvelles très brèves (21)
Sa dernière sensation au
moment de mourir fut une vague impression de déjà vu, dont il eut à
peine le temps de s'étonner.
lundi 22 octobre 2018
de toutes pièces
Il y a déjà dix ans,
j'avais beaucoup aimé Contact, de Cécile Portier, publié
dans la trop éphémère collection « Déplacements » des
éditions du Seuil. De toutes pièces, récemment paru chez
Quidam et que je viens de terminer, me fait encore plus forte
impression. Le roman se présente sous la forme d'un journal, celui
d'un narrateur anonyme, nommé « curateur » et chargé,
sans savoir par qui, de constituer de toutes pièces un
cabinet de curiosités. Les moyens financiers sont sans limites, le
délai en revanche est bref. « J'aurais dû, bien sûr,
refuser. Répondre aux lois du genre et aller vite, c'est
antinomique. »
Si la première et
immédiate jubilation du lecteur réside dans la constitution du
cabinet de curiosités lui-même – vous le faire visiter
déflorerait trop le livre et le plaisir est aussi dans la
description même desdites curiosités, jubilation contagieuse car
elle est aussi celle du narrateur-curateur ; c'est bien au-delà
encore que ce récit nous entraîne. Car c'est l'histoire d'un homme
qui cède à la tentation d'une illusion. L'anonymat des
commanditaires, financièrement tout-puissants et toujours
invisibles ; le non-dit qui entoure les motivations de la
constitution de ce cabinet de curiosités ; la solitude du
curateur dans son hangar perdu au milieu d'une France déshabitée
qu'on appellerait volontiers nulle part ; tout cela vient
implicitement interroger le lecteur sur le caractère illusoire et
artificiel de ce qui prétend donner du sens à notre vie.
jeudi 18 octobre 2018
Répertoire des métiers imaginaires
Dompteur de voix
sauvages, Métasophe, Ecorcheur de nuages, Ramasseuse de ricochets,
Inquiéteur, Dédeuilleuse, Ramasseur de bonnets, Phonographiste
mortuaire, Fromager-parfumeur, Haleiniste, Glossomancienne, Douanier
du néant, Chef des baisers, Abyssologue, Remueur de boue...
A l'heure où votre
emploi vous attend de l'autre côté de la rue, il est temps d'ouvrir
ce Répertoire des métiers imaginaires (je ne les ai
pas tous cités, il s'en faut de beaucoup, avec grâce répertoriés
par Rémy Leboissetier et ses collaborateurs, parmi lesquels
citons Henri Michaux, Fernand Combet, André Hardellet, Alphonse
Allais, Tony Duvert, Pierre Dac, Primo Levi, Mark Twain, Marcel Aymé,
Erik Satie, Julio Cortazar, Edgar Poe, Georges Perec ou Fred.
C'est aux éditions du
Sandre et disponible dans toutes les bonnes librairies, sans parler
de Pôle Emploi.
vendredi 12 octobre 2018
Donc les prochaines apparitions :
Donc les prochaines
apparitions :
– Mercredi 17
octobre à 19h30, la librairie Charybde (129 rue de Charenton à
Paris) vous invite à une rencontre avec l'auteur de Seule la nuit
tombe dans ses bras, je ferai mine d'être celui-là tandis que
Christophe Brault en personne lira des extraits du roman,
– Dimanche 28
octobre, je serai toute la journée au Salon de Rambouillet, à
la salle Patenôtre (64 rue Gambetta), avec Seule la nuit et
quelques autres titres,
– Jeudi 8 novembre
à partir de 19h, nous fêterons la parution de Mon jeune
grand-père aux éditions Lunatique, ce sera à l'Espace l'Autre
Livre, 13 rue de l'Ecole Polytechnique à Paris,
– Samedi 17 novembre
je serai l'après-midi au Salon de l'Autre Livre, 48 rue Vieille du
Temple à Paris, toujours pour Mon jeune grand-père,
– Dimanche 18
novembre je serai toute la journée au Salon des Essarts-le-Roi,
rue du 11 novembre et ça tombe bien puisque ce sera le centenaire de
la libération de Mon jeune grand-père et de quelques
millions d'autres personnes ; il y aura aussi bien sûr Seule
la nuit tombe dans ses bras et même quelques autres titres,
– Vendredi 23
novembre à 19h, la librairie La Chouette à Lille (72 rue de
l'Hôpital militaire) nous invite à un duo d'amour, Pauline
Delabroy-Allard (Ça raconte Sarah, éd. de Minuit) et moi
(moi l'auteur de Seule la nuit tombe dans ses bras – car
Herbert, pour sa part, a écrit Même la nuit tombe dans ses bras,
mais il viendra sûrement quand même lui aussi),
– Vendredi 30
novembre au soir c'est à la
librairie Tulitu à Bruxelles (rue de Flandres 55) qu'on pourra
m'écouter parler de Seule
la nuit tombe dans ses bras.
lundi 8 octobre 2018
Invasion (3)
En fait il est là le
péché originel : être né individu appartenant à une espèce
invasive et en avoir conscience.
samedi 6 octobre 2018
mercredi 3 octobre 2018
une petite librairie
Je ne comprends pas
comment j'ai pu oublier cette petite librairie. J'y allais pourtant
assez souvent, à une époque, il n'y a pas si longtemps, une dizaine
d'années peut-être, peut-être un peu plus. Je revois bien la rue,
elle montait légèrement, la librairie était sur la droite. Et un
peu loin sur le trottoir de gauche ils avaient un autre local, tout
petit. Je me rappelle une jeune femme, très dynamique, qui tenait la
librairie. Il y avait d'autres personnes aussi. C'était un lieu
plein d'originalité ; je ne saurais plus dire pourquoi mais
oui : c'était un lieu plein d'originalité. J'avais du plaisir
à y aller. Il me semble que nous avions des relations presque
amicales, les libraires et moi ; j'y allais presque en visite.
Ce n'était pas très loin de chez moi. Ce n'était pas à côté
mais ce n'était pas très loin : c'était à Montfort-l'Amaury.
Je ne comprends pas comment j'ai pu les oublier. J'en ai un peu
honte. C'était à Montfort-l'Amaury sauf qu'à Montfort-l'Amaury il
n'y a pas cette rue qui monte. Il y a des rues qui montent à
Montfort-l'Amaury mais pas celle-là. Ce doit être pour ça que je
n'arrive plus à mettre de visage ni de nom sur la silhouette de
cette jeune libraire amie. C'est parce qu'ici, dans ce monde-ci,
cette librairie-là, il faut bien que je l'admette, cette
librairie-là n'a jamais existé. Mais elle a existé ailleurs,
puisque je m'en souviens. Elle existe peut-être encore, ailleurs. La
prochaine fois que j'irai ailleurs, j'essaierai d'y retourner.
samedi 29 septembre 2018
Invasion (2)
On a beaucoup écrit sur
les différences entre sapiens et Neandertal. Mais je n'ai jamais lu
– sans doute n'ai-je pas tout lu, qu'une – voire la principale –
différence entre les deux espèces réside dans le caractère
invasif de l'une d'elle, à l'inverse de l'autre. Pourtant quand on
parle des frelons européens et asiatiques, c'est la première
distinction que l'on fait.
Ce billet est un addenda
à celui-ci.
jeudi 27 septembre 2018
un peu d'auto-satisfaction
Je me suis offert un peu
d'auto-satisfaction. En cette rentrée est paru aux éditions de la
Baconnière Feuilleton, d'Eric Chevillard, qui rassemble 153
de ses 270 chroniques littéraires, que le Monde des Livres a
publiées de 2011 à 2017. Les plus croustillantes sont sans doute
les plus à charge, c'est l'occasion de les relire. Les autres sont
l'occasion – trop rare dans la presse littéraire – de faire de
belles découvertes, car notre auteur est convaincu, à l'encontre de
l'opinion trop courante pour qu'on lui prête foi sans vérifier par
soi-même, « qu'il y a autant d'excellents écrivains
aujourd'hui qu'aux époques les plus glorieuses de notre
littérature ». Je ne vais pas dire le contraire, puisque sa
chronique sur Pas Liev fait partie des 153 sélectionnées. Je
vous l'ai photographiée si vous avez envie de vous casser les yeux à
la relire (c'est aussi faisable ici). J'ai aussi fait un gros plan
sur la date de parution dans le Monde, vous comprendrez
pourquoi.
mercredi 26 septembre 2018
Invasion
Celle de la perruche à
collier (je crois que c'est elle) dans les grandes villes européennes
notamment m'intéresse. Je l'ai repérée à Londres, à Bruxelles, à
Barcelone évidemment (elle est y est déjà légion), à Paris, à
Cannes, à Rome.
La définition d’une
espèce exotique envahissante donnée par le Ministère de
l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer est la suivante :
« Une espèce
exotique envahissante est une espèce (animale ou végétale)
exotique (allochtone, non indigène) dont l’introduction par
l’homme (volontaire ou fortuite) sur un territoire menace les
écosystèmes, les habitats ou les espèces indigènes avec des
conséquences écologiques, économiques et sanitaires négatives. Le
danger de ce type d’espèce est qu’elle accapare une part trop
importante des ressources dont les espèces indigènes ont besoin
pour survivre, ou qu’elle se nourrisse directement des espèces
indigènes. Les espèces exotiques envahissantes sont aujourd’hui
considérées comme l’une des plus grande menace pour la
biodiversité. »
La France s’est d’ailleurs engagée,
à l’occasion du Grenelle de l’Environnement, à lutter contre
ces espèces.
« Wasmannia
auropunctata, la petite fourmi folle qui a envahi la
Nouvelle-Calédonie et Tahiti ;
Le champignon
Phytophthora infestans sur la culture de pomme de terre en
Irlande provoquant la Grande Famine en 1845 ;
Le phylloxéra Viteus
vitifoliae sur les vignes européennes à la fin du xixe siècle ;
La méduse Mnemiopsis
leidyi en mer Noire ayant considérablement affaibli les
ressources halieutiques ;
La moule zébrée qui
peut boucher des canalisations, gêner la navigation et diminuer la
biodiversité ;
L'étoile de mer
dévoreuse de corail (Acanthaster planci) est sujette à des
« explosions de populations » qui ruinent les écosystèmes
coralliens, parmi les plus riches et les plus fragiles au monde ;
La guêpe commune Vespula
vulgaris en Australie, en Nouvelle-Zélande et à Hawai ;
Le frelon asiatique Vespa
velutina en France notamment, prédateur d'abeilles et d'autres
insectes pollinisateurs ;
L'introduction du Rat
noir Rattus rattus et du Rat gris Rattus norvegicus en
Europe au Moyen Âge ;
La jacinthe d'eau,
diminuant la vie aquatique, faute de lumière, dans les rivières ou
les lacs. »
Je constate avec une
satisfaction intellectuelle non dénuée d'une certaine affliction
que l'on n'y a pas oublié le plus fameux d'entre eux :
« Homo sapiens
peut être considéré comme une espèce envahissante du fait d'une
démographie incontrôlée, d'impacts significatifs et néfastes sur
l'environnement global (flore, faune, climats…) »
Je me souviens que j'ai
eu ma plus mauvaise note au bac à l'épreuve écrite de français.
Je l'ai attribuée, à l'époque, à une comparaison que je faisais
entre l'homme et le lemming, lequel, lorsque sa démographie explose,
se lance dans une longue migration qui décime la plus grande part de
sa population, ce qui à mes yeux était un peu l'équivalent de la
guerre pour l'homme, considérant la guerre comme un comportement
naturel dont le rôle est de maintenir la population humaine dans des
limites raisonnables. Je me rends compte aujourd'hui que ma mauvaise
note était méritée. Évidemment la guerre est un comportement
naturel, comme toutes les activités de l'homme qui fait partie de la
nature, mais il est clair qu'elle ne sert pas à limiter la
démographie puisque, depuis ma mauvaise note au bac français, la
population humaine, déjà considérable, a doublé.
lundi 24 septembre 2018
créer un vide
« Un auteur admiré écrivant sur un écrivain qu'il aime crée
un vide. Ne pas lire le second, c'est ne pas comprendre tout à fait
le premier. L'adolescent sentait bien que les livres appellent les
livres dans une fuite en avant sans fin. Autour de lui, personne ne
semblait deviner que le lecteur reste toujours en arrière, de plus
en plus dépendant, avec une conscience de plus en plus aiguë de ses
propres lacunes, et seul au milieu de ces absents illustres. »
Marcel
Cohen
lui ne nomme pas d'écrivains, du moins pas en tant qu'objets
d'admiration, et moi je lui sais gré de ne pas créer trop de vide,
trop de vides autour de moi – manière aussi de dire la mienne
(admiration). J'achève seulement maintenant la lecture de Détails
paru pourtant l'an dernier, mais où est donc passé le temps. Je ne
cacherai pas que l'ambition de ce billet est clairement de créer un
vide, pour ceux qui n'auraient pas encore lu Marcel Cohen. Son audace
immense est quasi invisible. Il écrit sans tout le fatras qui
d'ordinaire fait la littérature – même la bonne (de la
construction du récit à la métaphore, en passant par tout ce qu'on
l'on met trop facilement sous l'adjectif littéraire).
Et à chaque instant de ma lecture, je me dis qu'il touche à
l'essentiel.
La
quatrième de couverture de la collection blanche de Gallimard où
sont parus ses Détails
le présentent comme l'auteur de « textes brefs, (...) d'une
trilogie (...) » etc., suivent les titres concernés
(d'ailleurs évoqués ici, cliquez donc). Une présentation somme
toute factuelle, comme ses textes revendiquent de l'être. Une
présentation qui ne dit pas que Marcel Cohen est peut-être
l'écrivain d'aujourd'hui le plus important publié dans ladite
collection. Il ne faudrait pas que ça se sache.
dimanche 23 septembre 2018
mardi 18 septembre 2018
La nuit tombe tous les soirs
Alors forcément comme
c'est la saison il y a toujours un peu de nouveau à propos de Seule
la nuit tombe dans ses bras : pour Laurent Gourlay c'est « le
récit ironique et émouvant d’une liaison en équilibre instable
entre réalité et fantasme. L’auteur y parle avec talent de
l’illusion, des sentiments, de l’absence, de la littérature, du
rêve, du quotidien, de sexe aussi, et de tant d’autres choses.
Faux roman érotique mais réel plaisir de lecture, un livre à
acheter dans la vraie vie » ; un roman « ultra-réaliste »
(c'était bien l'une de mes ambitions) dont Anna Valenn cite deux et même trois passages bien différents (avec précisément les
changements de registre jusque dans l'écriture par souci de
réalisme) ; et une magnifique chronique à écouter de Nikola Delescluse qui a déjà lu tant de mes livres que rien ne lui
échappe.
lundi 10 septembre 2018
L'auteur passe aux aveux.
Des questions de lecteurs me parviennent, à propos d'un précédent
roman dont je tairai le titre par égard pour les personnes qui ne
l'ont pas encore lu – que ceux qui savent veuillent bien garder le
silence –, à savoir si le personnage principal se livre réellement
ou seulement dans son imagination à cette pratique consistant à
fracasser des crânes de jeunes enfants à coups de brique. Bien
évidemment je ne répondrai pas à cette question, la littérature
garde ses secrets, mais je ne cacherai pas plus longtemps que, dans
un souci de réalisme, je n'ai pas hésité à en faire
personnellement l'expérience : la description avait tout à y
gagner.
(Ce petit billet, à l'instar de mes romans, ne dit pas ce qu'il
raconte.)
samedi 8 septembre 2018
Nouvelles très brèves (18)
Robert Dandier passa
quatre ans et dix mois sur ce roman dont j'ai oublié le titre et
dont Jean-Pierre Bitonnot parcourut en trois minutes et neuf secondes
les onze premières pages pour écrire dans un grand quotidien
national un article de quatre-cent-trente-et-un caractères que
lurent vingt-cinq abonnés, dix-sept acheteurs et un SDF.
vendredi 7 septembre 2018
des échos dans la nuit
J'aime qu'un texte dise plusieurs choses en même temps. Même des
choses en apparence contradictoires. Ou incompatibles. Réalisme
romantique. Pornographie pudique. Histoire d'amour sans amour avec
amour puisque l'amour est une histoire. Et même – car il y a de la
perversion chez l'auteur –, prendre plaisir à mal écrire exprès,
au moins certains passages, pour que ce soit plus vrai.
« Il
y aura donc – en mots, certes, mais quand même – des fellations,
des cunnilingus, des pénétrations. Ce qui ne fait pas du roman de
Philippe Annocque un livre érotique, loin de là. (…). On pourrait
dire que ce roman plus romantique qu'érotique, cette histoire d'un
amour qui n'est pas vraiment réalisé mais fait mal quand même, est
aussi une réflexion sur la littérature, sur sa capacité à
multiplier les mondes » écrit Guillaume Contré dans le
Matricule des
Anges,
numéro de septembre (j'en ai collé une mauvaise photo ici, cliquez donc), et je ne sais pas si j'ai réussi mais c'était exactement mon
ambition, convaincu que la fiction vit sa vie dans la nôtre, quoi
qu'on y fasse. Car sans cette conviction jamais je n'aurais écrit
sur un tel sujet (les rencontres érotiques et /ou amoureuses
virtuelles, pour ceux qui n'auraient pas tout suivi).
« Philippe
Annocque explore ce sujet casse-gueule avec beaucoup de subtilité,
et transforme cette liaison pornographique à distance en une sorte
de réflexion grandeur nature sur le pouvoir performatif du langage
et la puissance de l'imagination. Un roman bref, un peu cru,
addictif, d'une éclatante intelligence », écrit Bernard
Quiriny dans Trois
Couleurs,
la revue du MK2 ; n'en jetez plus, mais si, encore un peu :
« Seule la nuit tombe dans ses bras est
un livre étrange et inquiétant. C’est évidemment voulu. Philippe
Annocque, pour y parvenir, met en place un dispositif
particulièrement malin. On le sent rusé, prompt à manier l’ironie,
à parodier le roman d’amour, à percer l’identité bancale de
cet homme et de cette femme apparemment heureux mais qui n’en
restent pas moins accrochés, dans la grande nuit numérique, à cet
écran bleuté dont ils ne peuvent plus se séparer et qui s’agite
frénétiquement en se zébrant de mots bien réels », cette
fois c'est Jacques Josse sur Remue.net, cliquez pour tout lire.
Inquiéter, émouvoir, faire rire et faire pleurer, émoustiller les
sens et donner à réfléchir ; c'était ma petite ambition. Je
suis content.
lundi 3 septembre 2018
Seule la nuit par les hublots
Dix ans de Hublots hier, à ce qu'il paraît. Ça ne nous rajeunit
pas, et pas sûr que la visibilité se soit tellement améliorée,
pour autrui comme pour soi-même – cet autrui qui est un autre
soi-même.
J'ai ouvert un hublot sur Seule la nuit tombe dans ses bras,
quand un livre est écrit il faut le vendre, c'est étrange mais
c'est comme ça – et c'est ici.
Il faudra que j'y rajoute les recommandations horoscopiques de
Nathalie Peyrebonne déguisée en Madame Soleil, il y en a pour tous
les signes ou presque, c'est tout frais d'aujourd'hui ; cliquez donc et n'oubliez pas les Poissons.
Mais même si vous êtes Vierge ou Balance, Capricorne ou Gémeaux,
venez donc ce mercredi à partir de 19 heures à la librairie Le
Monte-en-l'air, 71 rue de Ménilmontant à Paris, on n'attendra pas
la tombée de la nuit pour en parler.
dimanche 2 septembre 2018
Albin 2, 2 Albin
Donc Albin à l'école. On l'y traitera d'imposteur pour la raison
que le nuage à la moindre occasion pisse et que, semblable aux
autres marches, celle où on a manqué s'étaler se répète et se
fond dans l'interminable escalier, l'eau n'est plus la même dans le
fleuve, le vin dans le verre, Albin soi-même perdu dans l'émoi du
monde avec les sensations, le regard, les mots des poètes, Albin
soi-même n'est pas soi-même n'est pas Albin.
Originalité, répète le maître et tous les mots qu'on lui a appris
et qu'il n'a pas su oublier, mensonge, usurpation, tromperie et
fausses apparences, imposture, et veut moralité et deux et deux font
quatre.
L'imposte en architecture est la tablette saillante posée sur le
pied-droit d'une porte, ou sur un pilier de nef ; en menuiserie
c'est la partie supérieure d'une baie de porte ou de fenêtre.
Le mot vient du latin imponere, « placer sur ».
Pour qu'il y ait précipitation, poursuit le maître, il faut à la
vapeur d'eau des poussières ou des grains de sel sur lesquels elle
se déposera.
Sur quoi se placerait-elle, son imposture, sur qui, qui pourrait-il
faire passer pour un autre qui lui-même n'était rien.
Dans les mots des autres, la voix d'Albin, partout où Albin n'est
pas, tiens il pleut, dit-il en quittant l'école, la poussière dans
l’œil donne à ses larmes un goût de sel, Albin ruisselle et
coule, un gai murmure.
Albin saison 2, éditions Louise Bottu, 2017.
Les blogueurs se souviennent qu'Albin était un blog et un un
blogueur, et depuis qu'Albin est livre – la bonne surprise que ce me fut en 2013 de le voir édité aux belles éditions Louise Bottu –
Albin se confond avec Albin, auteur et livre, et cette confusion
aussi est belle, qui dit aussi ce que devrait être notre rapport à
la littérature. Albin du coup n'est pas connu, et le citer comme je
viens de le faire ci-dessus ne dit pas vraiment ce qu'il dit – mais
comment, un peu ; et ce comment devrait suffire à donner envie.
(Avec une couverture signée Patrick Szymanek.)
samedi 1 septembre 2018
Nouvelles très brèves (17)
Ils se rencontrèrent, se
marièrent et vécurent heureux, le temps d'avoir beaucoup de petits
orphelins.
jeudi 30 août 2018
Peter Handke parle pour nous.
Vous vous attendiez à quelque chose.
Vous vous attendiez peut-être à quelque chose d'autre.
Vous vous attendiez sûrement à une belle histoire.
Vous ne vous attendiez quand même pas à une histoire !
Vous vous attendiez à une certaine ambiance.
Vous vous attendiez à découvrir un autre monde.
En tout cas, vous vous attendiez à quelque chose.
Qui sait ? vous vous êtes peut-être attendus à ceci.
Mais même en ce cas, vous vous attendiez à quelque chose.
Peter Handke, Outrage au public (éditions de
l'Arche)
lundi 27 août 2018
délicieusement collant
En cette rentrée littéraire paraît le premier roman d'un jeune
auteur dont le protagoniste et narrateur a vraiment le sens de
l'amitié, lisez plutôt :
Amateur compulsif des nougats qui donne au roman son titre, Paul
Montès en possède les qualités – notamment celle de coller.
Faites un peu connaissance avec son ami Olivier et vous serez en
mesure d'apprécier ce talent à sa juste mesure. Qui n'est pas le
seul car Paul Montès est en effet par ailleurs le génial initiateur
de la pensée collectionniste – outre les nougats, il collectionne
aussi les galets.
Ce roman délicieusement collant est signé Paul Béhergé, il
s'intitule donc les Nougats et vient de paraître chez
Buchet-Chastel.
jeudi 23 août 2018
la nuit d'avant la nuit
Il est zéro heure trente-huit quand je tape ces mots. Quand le matin
se lèvera, la nuit pourra tomber dans vos bras. Seule la nuit,
diront certains. Même la nuit, diront d'autres.
mardi 21 août 2018
peut-être que non, mais peut-être que si quand même
Tiens j'ai aussi lu C'est moi, le roman de Marion Guillot paru en début d'année aux éditions de Minuit. C'est l'histoire d'un vase qui
déborde discrètement. On se demande s'il va vraiment déborder, on
se dit que peut-être que non, mais peut-être que si quand même,
non, quand même pas, si ? Oh !
Voilà. Mince j'en ai trop dit.
Inscription à :
Articles (Atom)