Au
début des années 80, sur le conseil de Danielle Auby, mon
professeur de français, je découvre Kafka. Je lis à peu près
tout. Je commence par le recueil disponible en Folio rassemblé
autour de La Muraille de Chine. Le texte qui me marque
le plus, au point qu’aujourd’hui, alors que je ne l’ai pas
encore relu (c’est pour demain ou après-demain), je m’en
souviens encore bien, c’est Recherches d’un chien.
Une
dizaine d’années plus tard, je reprends le théâtre en amateur,
au théâtre-école de Pantin, sous la direction d’Agnès Delume.
L’art de la mise en scène avec presque rien. J’ai la chance de
jouer des textes extraordinaires : Scènes de la vie
conjugale, la Mouette, le Tartuffe, Peer Gynt,
l’Opéra de quat’sous. Souvent, la musique est composée
par Vojtech Saudek, le compagnon d’Agnès. C’est un vrai
musicien. Je me rappelle son piano, qui prend toute la place dans
leur séjour. C’est fou comme la pratique d’un art peut prendre
de la place dans une vie. Celle de Vojtech, hélas, s’arrête trop
tôt, en 2003 ; il a cinquante-deux ans.
Entre
temps, en 1993, je découvre Prague. En écrivant cette phrase, je
revois la ruelle d’Or, où Kafka écrivit, notamment, la
Muraille de Chine.
Plus
récemment, je reviens progressivement à Kafka, d’abord pour
relire le Château, et vérifier que Pas Liev n’en
est pas qu’une pâle copie. Puis le Terrier, juste pour le
plaisir. L’an dernier paraît en France le premier tome de la
biographie de Kafka par Reiner Stach. Je m’y plonge, et l’interromps
souvent – notamment pour relire le Verdict, la
Métamorphose, la Colonie pénitentiaire, Chacals
et Arabes, Un croisement, Rapport pour une académie,
Le Coup à la porte du domaine, la Muraille de Chine…
Entre temps je suis passé au second tome de la biographie de Stach :
Kafka, le Temps de la connaissance. Je compte relire
Recherches d’un chien, mais j’attends que la vie de Kafka
m’y mène – c’est l’un de ses derniers textes. Pour le
moment, il est à la ruelle d’Or ; c’est Ottla, sa petite
sœur, qui lui offre ce havre. Ottla qui, des années plus tard, fera
partie de toutes ces personnes qu’on a assassinées à Auschwitz.
Il
y a une dizaine de jours, je reçois un message d’Agnès, qui me
parle de mon Stylo – j’aime qu’elle ait aimé – et
m’annonce que le centre tchèque organise un concert-hommage à Vojtech. C’était dimanche dernier. Au programme, des pièces et
variations pour piano, son Quatuor n°2, une Elégie, et enfin une
réalisation pour violon et dispositif électronique :
Recherches d’un chien, d’après un conte de Kafka.
J’apprends
que Vojtech est le petit-fils d’Ottla.