J’ai enfin lu le livre d’Anne Pauly, Avant que j’oublie. Je ne
vais pas être très long. Le sujet est universel, la mort du père,
et singulier, c’est la mort du sien, à nul autre pareil
évidemment, il suffit de penser à celui qu’on a aussi. Car le
narrateur est Anne Pauly et ne fait pas mine d’autre chose. C’est
écrit sans esbroufes, ça évoque autant que ça raconte. Ça ne va
pas comme on voudrait, forcément, comment pourrait-il en être
autrement. Et c’est drôle, quand même, souvent, même au pire
moment ; et ça donne envie de se prendre par l’épaule,
aussi, et de plus en plus tandis qu’on avance dans la lecture,
parce que quand même, merde, vous voyez ce que je veux dire, mais
oui vous voyez.
samedi 28 décembre 2019
dimanche 22 décembre 2019
Fårö Une nuit avec Ingmar Bergman
Une jeune femme, une petite fille la veille encore, débarque un
soir, à la nuit tombée, en étrangère, chez un vieil homme. Elle
s’appelle Joëlle Varenne, et même son nom est incompréhensible à
l’homme qu’elle prétend rencontrer.
– Joëlle.
– Was ?
– Joëlle.
– Yulie ?
Yulia ?
– No, Joëlle.
– Was dis namn ?!
Skriv it !
Même
son nom, mais d’abord sa présence, car le vieil homme est Ingmar
Bergman, au soir de sa vie, farouchement
retiré sur l’île de Fårö,
qui donne au livre
son titre. Elle est étudiante en cinéma, et elle est venue
rencontrer celui qui
ne reçoit plus personne. Il s’ensuit un dialogue d’abord de
quasi sourds, la barrière de la langue y aidant, car si les deux
parlent anglais, chacun parle son anglais qui n’a pas grand-chose
en commun avec l’anglais de l’autre, et cela
donne lieu à des échanges qui sont d’abord cocasses, vraiment,
avant de devenir émouvants
quand on commence à comprendre que
ce qui a amené la toute jeune Joëlle Varenne, vingt-deux ans à
l’époque, à rencontrer le cinéaste ermite, c’est
peut-être sans le savoir l’attente, dans cette circonstance
incredibole,
d’entendre son propre nom, et peut-être aussi l’injonction de
l’écrire.
mardi 10 décembre 2019
Nuée de Gremeaux
Nuée, le nouveau livre de Michel Gremeaux, est une machine à
faire tourner l’imagination – la vôtre. Le narrateur nous montre
des choses, nous montre ce qu’il veut, ou ce qu’il peut, de loin,
de ce qui se passe aux abords et à l’intérieur d’une demeure
retirée au-dessus d’un lac. On y voit une femme recueillir une
adolescente, une blessure trop bien dessinée sur une cuisse, la même
sur un jean, une surveillance autour de la maison, plusieurs
surveillances peut-être, une attention extrême portée aux objets,
aux personnes qui passent, qu’elles fassent ou non vraiment partie
de l’histoire que le lecteur est en train de construire, presque
tout seul, avec ce qui lui est donné, avec le même plaisir qu’il
avait enfant à assembler des blocs géométriques pour bâtir des
architectures variées.
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