Je viens
de terminer la lecture du dernier roman de Gabriel Josipovici paru
tout récemment chez Quidam : Hotel Andromeda. La relecture, plutôt, car je l’avais
déjà lu dans sa version originale ; il se trouve que j’étais
à Londres au moment de sa sortie en Angleterre, je n’allais pas
rater l’occasion. Je ne rate jamais une occasion de lire Gabriel
Josipovici depuis que Pascal Arnaud, notre (Quidam) éditeur commun,
m’a mis Moo Pak entre les mains, en me disant « ça,
c’est pour toi ». En effet. Depuis, Gabriel Josipovici, c’est
pour moi. Au point même de le relire en français, dans la
traduction de Vanessa Guignery, après l’avoir lu en anglais.
Est-ce à proprement parler une relecture ?
Deux
mots quand même pour vous dire non pas de quoi mais plutôt comment
ça parle – ce qui chez Josipovici revient peut-être un peu au
même. Ça a l’air très simple a priori – c’est d’ailleurs
très facile à lire – simple comme une maison à quatre étages,
avec un appartement à chaque étage. C’est l’histoire d’elle,
qui ne tarde pas à s’appeler Helena, et qui essaie d’écrire un
livre sur l’artiste américain Joseph Cornell, lequel ne serait pas
une biographie, ne serait pas un essai non plus, ne serait pas mais
quoi être d’autre ? oui, un peu comme ce texte que j’écris
ne serait pas une critique ; Helena qui heureusement a la
vieille dame du dernier étage comme interlocutrice privilégiée de
ses interrogations, tandis que Tom, au rez-de-chaussée, n’est pas
tout à fait son amoureux, puisque le mot n’y est pas. C’est
aussi l’histoire d’Helena qui pense sans cesse à sa sœur
absente, Alice, laquelle œuvre dans un orphelinat en Tchétchénie,
et ne lui donne jamais de nouvelles. Alice pour qui, croit-elle, elle
n’existe pas. Sauf qu’arrive « il », qui se nommera
lui-même « Ed », qui arrive de Tchétchénie où il a eu
l’adresse d’Héléna par Alice. Il est reporter, tchèque et
parle un anglais très correct mais aussi pauvre que les deux lettres
par lesquelles il se désigne.
Ce qui
me fascine chez Josipovici, c’est précisément ce qui me rebute
chez la majorité des romanciers : les dialogues. On n’entend
qu’eux, et si l’on connaît les préoccupations d’Helena parce
qu’elle parle aussi bien avec Tom qu’avec Ruth qu’avec Ed, de
ce dernier on n’entend que ce qu’il dit, et c’est peu. On
devine que son anglais lacunaire l’arrange bien ; « pas
de problème » devient sa réponse principale. « Pas de
problème » comme une provocation intellectuelle à Helena, à
nous, à moi, à tous ceux pour qui aller au bout de quelque chose en
est un qui, au moins pendant un temps, paraît insurmontable.
Bien
sûr, Josipovici, c’est pour moi. Bien sûr que ça n’est pas que
pour moi.