Tiens au fait j’ai lu Coulent
mes larmes dit le policier, de Philip K. Dick. Je ne connais pas du tout
Philip K. Dick, j’avais juste lu Simulacres mais il y a combien de
temps ? Pas quarante ans mais plus de trente-cinq en tout cas. Eh bien
c’est écrit un peu à la va comme je te pousse, entendez sans aucun souci de
l’écriture, comme si c’était naturellement le cadet des soucis de l’écrivain ;
et pourtant c’est quand même vraiment complètement littéraire, alors c’est vrai
pourquoi donc s’embêter à écrire ? Une histoire de faux-semblants bien
sûr, ce qui est raconté s’est-il vraiment passé, on en revient toujours à ça.
Et un héros qui n’est peut-être pas tant que ça le héros, ou un gentil si vous
voulez qui ne l’est pas tellement alors que le méchant est tout de même bien gentil.
Et un roman boîte-à-formes aussi, vous vous rappelez ce concept Fisher Price
qui permet de caser ensemble ces romans où le héros ne trouve pas sa case, du Château
à Epépé, des Saisons à Pas Liev, voyez comment j’arrive à bien
caser mon livre, c’est-i pas beau. Parce que quand même dans le genre, se
retrouver dans un monde où l’on n’existe pas, comme ce Jason Taverner, qui dit
mieux ? Et pourquoi il existerait, d’abord, ce Taverner ? Que fait-il
de sa vie qui justifie vraiment son droit à l’existence, hein, je vous le
demande ?
dimanche 31 janvier 2016
samedi 30 janvier 2016
eschatologie du samedi
Pour dire grossièrement l’évidence :
le métier d’écrivain, qui n’a jamais nourri son homme, de plus en plus aujourd’hui
l’affame. Seul un vestige d’aura, un éclat fugace, un renom circonscrit récompensent
encore parfois vaguement son ego. Pas pour longtemps : l’admiration d’autrefois,
si elle a existé, se réduit désormais souvent à un haussement de sourcil curieux.
Cette évolution est une excellente nouvelle : quand la littérature, non
contente de ne pas permettre à son auteur de se nourrir, n’attirera plus la
moindre attention sur sa personne, on pourra compter au moins sur la réelle
motivation de ceux qui persévéreront.
vendredi 29 janvier 2016
* Madame Maurice *
la loi
ou :
La Loi
La Loi-Même
celle qui te sert de béquille de pute
– je pèse mes mots –
imagine
qu’elle
ne
soit
pas
– ce que tu crois
qu’Elle ne soit pas cette immanence abouchée à tes orifices
crispés
(par exemple)
imagine
que
La LOI
LA loi
soit :
monstre chien phoque bille brute soif farce or
(ou)
appelons-la * Madame Maurice *
Madame Maurice donc donc donc
est la loi elle habite juste au-dessus de toi
et toi tu crois
bien sûr
qu’elle était là avant toi
Claro, Comment rester immobile quand on est en
feu, éditions de l’Ogre, 2016, p. 75-76.
mercredi 27 janvier 2016
écrire c’est lire encore
Cet article a été publié en 2011 sur le site MéLiCo,
mémoire de la librairie contemporaine.
écrire c’est lire encore
Quand nous lisons le même livre
nous ne lisons pas le même livre.
Quand nous relisons le même livre
nous lisons un autre livre. L’autre livre dont nous nous souvenons nous
rappelle que nous avons été un autre – lecteur. (Cette impression très forte
avec Mercier et Camier il y a un ou deux ans, pas relu depuis
l’adolescence. Très nettement un autre livre. Même les phrases retenues par
cœur ne sonnaient plus pareil. Et ce soupçon que si je l’ouvrais à présent,
déjà, ce serait autre chose encore.)
Alors parler d’un livre ne sera
jamais que parler d’un instant, d’une rencontre. Ou de plusieurs rencontres
différentes. Parfois la deuxième est une déception : l’ami n’est pas resté
fidèle au souvenir qu’on en gardait. (Je me creuse un peu la tête : pas
d’exemple – et pourtant je suis certain que. J’occulte les déceptions.)
Quoi lire me renvoie à quel lecteur
je suis. Quel lecteur j’étais, je serai. Quel lecteur je n’ai pas été – quand,
pendant près d’une dizaine d’années, je n’ai plus lu de littérature. (Un tout
petit peu de poésie tout de même – et pas mal de bande dessinée. Et surtout des
choses qui n’avaient rien à voir – quoique – avec la littérature : de la
vulgarisation scientifique.) Ne plus pouvoir lire est sans doute plus un
symptôme qu’un mal en soi. (Car je ne pouvais plus lire. Tout me tombait des
mains. Je me souviens de ce test avec A l’ombre des jeunes filles en fleurs,
tentative de relecture, qui m’a confirmé ce dont je me doutais : on
n’apprécie rien quand on a un mauvais goût dans la bouche.)
Je crois que je ne pouvais plus
lire parce que je ne pouvais pas écrire. Si je précise que je ne pouvais plus
lire parce que je ne pouvais pas écrire (en effet je passais le plus clair de
mon temps à écrire sans pouvoir écrire), c’est pour dire qu’écrire c’est lire
encore. Car c’était le cas ; les deux empêchements, pour reprendre
le mot de Beckett, se sont d’ailleurs résolus ensemble : par la
publication d’un livre écrit comme si ce n’était pas vraiment moi qui
l’écrivais – parce que quand c’était vraiment moi rien ne s’écrivait. Et ma
surprise de lecteur de voir un texte de moi s’écrire malgré moi.
Et cette délivrance quand, chez
Legué à Chartres, après avoir boudé les piles les plus accessibles (ouvrir,
lire quelques lignes, reposer en soupirant), convaincu d’avance que de toutes
manières plus rien de bon ne s’écrivait dans ce pays (je me rappelle très
nettement avoir cru ça), j’ai ouvert les Absences du Capitaine Cook
d’Eric Chevillard. Un juron intérieur d’envieuse admiration : c’était donc
encore possible ! Mais il m’avait fallu venir à bout d’un manuscrit, dont
le contrat était tout juste signé, pour que je sois capable de cette prise de
conscience. Comme si l’ordre logique : lire d’abord, écrire ensuite
n’était pas une évidence.
En y repensant, cela remonte à
loin et les souvenirs ne sont pas bien nets mais tout de même : je ne suis
pas bien sûr d’avoir vraiment lu avant d’écrire. C’est le fait d’écrire
qui aiguisait ma curiosité, me donnait envie de savoir ce que les autres
avaient écrit avant moi.
Aujourd’hui encore, la médiocrité
d’un livre, de quelques lignes qui me tombent sous la main ; j’ai du mal à
la dire. Comme si j’y étais un peu pour quelque chose. De la même manière telle
lecture d’un Chevillard, d’un Federman, d’un Volodine (et d’autres souvent
moins connus que j’évoque sur Hublots) me remplit d’une fierté
étrange. Comme si tout le monde était un peu responsable de ce qui se
publie. D’ailleurs c’est l’évidence : tout le monde est un peu responsable
de ce qui se publie.
mardi 26 janvier 2016
L'office sauvage pour la vie
Non, l'office sauvage n'est pas une messe célébrée en plein cœur de la jungle. C'est une pratique tristement courante, parfaitement malhonnête sans constituer un délit pour autant, dont sont victimes les libraires (et par ricochet tous ceux qui, comme moi, dépendent de leur travail), et qui consiste à leur envoyer et leur facturer des livres qu'ils n'ont pas commandés. De la vente forcée, quoi, qui permet aux éditeurs qui ont les moyens de faire de gros tirages de faire en sorte que le livre soit bien visible partout. Un exemple, ci-dessous, reproduit avec l'aimable autorisation de la librairie Meura, à Lille, que je cite :
"Aujourd'hui, dans la catégorie "Vocabulaire de la librairie", l'office sauvage: pratique consistant pour un éditeur/diffuseur/ distributeur à envoyer aux libraires des livres qu'ils n'ont pas commandés. Ou comment s'assurer une formidable mise en place en forçant la main des libraires."
Oui, il se trouve en l'occurrence que le livre en question est celui de Nicolas Sarkozy, évoqué parmi d'autres dans un récent billet. L'office sauvage étant à la librairie ce que le matraquage médiatique est à la presse, on ne s'en étonnera pas. On peut aussi en induire que l'éditeur, Plon, considère que le succès de ce livre n'est pas du tout assuré, et qu'il faut mettre toutes les chances de son côté ; il a des raisons de le penser. Mais c'est une pratique qui hélas n'a rien de spécifiquement sarkozien, même si elle lui va bien ; c'est devenu quasi une règle. Et c'est aussi l'une des raisons pour lesquelles les livres issus de l'édition indépendante peinent à se faire une place sur les rayons.
PS : Je découvre en écrivant ce billet que le site Actualitté publie un article sur le même sujet.
lundi 25 janvier 2016
Une histoire de prescription, quoi
Cet article a été publié en 2011 sur le site MéLiCo,
mémoire de la librairie contemporaine.
Une histoire de prescription, quoi
La question du sujet – qui se
posait déjà à l’enfant à qui l’on disait « Et si tu faisais un beau
dessin » et qui se demandait « oui mais quoi ? » – moi je me souviens que c’était toujours une
maison, une maison obligée, toujours la même, avec la porte au milieu et une
fenêtre de chaque côté le pignon symétrique alors que celle où j’habitais
n’était pas comme ça, une maison par défaut, quoi – cette question du sujet n’a pas fini de nous fiche dedans.
Son invalidité béquillante / qu’est-ce que je vais bien pouvoir dire /
et de longtemps ressassée / mais de toutes façons c’est pas le sujet qui
fait que c’est bon / est souvent en effet l’autorisation à la plus vaine
pratique du allez-je-parle-de-moi-pourquoi-pas-ce-sujet-là-en-vaut-bien-un-autre,
ben tiens, d’ailleurs c’est aussi mon avis mais pas forcément tous les jours
mon envie de lecteur ni d’écrire (celle-ci née de celle-là, ou parfois
l’inverse) ;
du coup en réaction la critique
facile à grands cris réclame des sujets de société, en prise avec le monde, le
contemporain, comme paraît-il on sait en faire outre-atlantique (et bien sûr
pourquoi pas on n’a rien contre),
sans penser qu’une telle
réclamation repose d’abord sur une facilité : celle de trouver quoi dire sur ledit roman (car c’en sera
sûrement un), quoi dire l’attaché de
presse au journaliste le journaliste au lecteur, quoi dire au représentant qui dira quoi dire au libraire qui dira quoi
au lecteur.
Dans le meilleur des cas, on
essaiera de ne pas confondre le sujet avec l’histoire – quoi. Et accessoirement, quelques mots sur la forme (c’est-à-dire
grosso-modo rien d’autre que le style et la construction du récit – on pense
aux myopes comme aux presbytes ; à quoi d’autre ?). Comme si
l’histoire quand il y en a une ne faisait pas aussi partie de la forme que
prend le sujet. (Il y a même des livres sur lesquels on sera d’accord pour dire
qu’ils ne valent rien comme littérature et qui font les plus forts
best-sellers : simples histoires formatées, formes vaines et rien d’autre.
Ce rappel aux accusations de formalisme qui ratent leur cible.) Bref, l’auteur
en moi est frustré – tiens, le lecteur aussi : le conformisme nous guette
au coin de la rue.
Car c’est bien pour ça qu’il est
si difficile de vendre de la poésie, quoi.
Ou toute forme de littérature qui invente sa propre forme – c’est quoi ce
livre ? A quoi ça ressemble ? (parce que c’est pratique,
quand même, de dire à quoi ça ressemble qui existe déjà : ça donne un
langage commun.) C’est pratique, oui, mais c’est tellement mieux quand ça ne
ressemble pas vraiment à ce qui existe déjà. Alors c’est pour ça aussi qu’on a
envie de les prendre dans ses bras, les quelques éditeurs, critiques, libraires
et autres professionnels du livre qui,
oubliant tout ce qu’ils ont lu,
tout ce qu’ils connaissent – car pour bien oublier il faut quand même d’abord
bien connaître –,
inventant leurs propres mots pour
parler de ces nouveaux mots-là, essaient vraiment de dire quoi.
dimanche 24 janvier 2016
servitude volontaire
Plongé dans la biographie de Montaigne de mon ami Christophe et que nous y faisons la connaissance de La Boétie,
je me dis que le Discours sur la servitude volontaire d’icelui, que
j’avoue n’avoir jamais lu, a été pourtant écrit aussi à destination de nos contemporains. (Les curieux sont autorisés à cliquer sur les liens.)
samedi 23 janvier 2016
La rentrée littéraire de nos hommes politiques
Hier je suis allé faire un tour
en librairie. Apparemment il semblerait que nos hommes politiques soient
devenus des écrivains. Jean-François Copé, l’auteur fameux de Tous à
poils, revient à la charge avec Le Français sursaute, à moins
que ce ne soit Le Soubresaut français, je ne sais plus, les deux
expriment bien ce qu’on ressent à chaque annonce d’un nouvel opus copéen. Philippe
de Villiers quant à lui se prend carrément pour Saint-Augustin avec Le
moment est venu de dire tout ce que j’ai tu, il était temps en effet. Alain
Juppé, considérant que le style fait l’homme, nous propose Pour une métaphore,
je n’ai rien contre, c’est mieux en tout cas que Pour un net effort
auquel il avait pensé en premier. Le moins littéraire de tous reste encore Nicolas Sarkozy, qui souhaite encore une fois consulter La France
pour l’avis, on reconnaît son style, les francs avis jusque-là par lui
reçus ne l’ayant visiblement pas encore suffisamment convaincus.
jeudi 21 janvier 2016
Tant d'arrêts
Il paraît que l'émission Les Bonnes Feuilles, sur France Culture, pour laquelle j'ai lu récemment les premières pages de Pas Liev, va s'arrêter. Ça me rappelle que l'émission le Carnet d'or, sur France Culture, à laquelle j'avais été invité à l'occasion de la réédition réécrite de Rien (qu'une affaire de regard), s'est arrêtée. Ça me rappelle que l'émission le Carnet des Libraires, sur France Culture, où avait été précédemment présenté ce même Rien (qu'une affaire de regard), s'est arrêtée. Ça me rappelle que l'émission Tout arrive, sur France Culture, où il avait été, il y a quelques années, question de Liquide, s'est arrêtée, il y a quelques années aussi.
Heureusement qu'il y a d'autres émissions littéraires sur France Culture qui se sont arrêtées sans qu'aucun de mes livres y ait été présenté, ça rassure.
mercredi 20 janvier 2016
Liev au parc
Tiens, un très bel article de Cyril Tavan sur Balises, le webmagazine de la BPI, à propos de Pas Liev, cliquez donc. Pas Liev qu’un lecteur, une lectrice, je ne sais pas, a lu d’une traite, en marchant, à voix haute, dans un parc – si vous ne me croyez pas c’est ici, dans les commentaires ; alors que ma propre lecture à voix haute de ce texte ne s’est jamais faite que sous les vélux (ou dans les studio de Radio-France, quand même), bref, que ceci serve d’exemple à suivre, j’engage vivement les prochains lecteurs de Pas Liev à faire de même, faites donc profiter les pigeons, les foulques et les carpes koï, car ce texte, je crois, a aussi été écrit pour la voix.
Et au fait, pour ceux qui ne connaîtraient pas Monsieur Le Comte au pied de la lettre, voici désormais ce personnage de papier disponible en format numérique, gageons qu’il n’y gagnera pas en épaisseur.
mardi 19 janvier 2016
« Michel Tournier », les librairies et moi
Cinquième album,
seizième pellicule : librairie, agenda aux lettres d’or
Nous qui ne sommes qu’un tout
petit employé de librairie, figurez-vous ! Figurez-vous ce qui nous arrive
à l’instant !
En effet – on a appris à ne
plus s’étonner de ces changements d’état radicaux mais éphémères –, on n’est guère plus qu’un tout petit, un
tout jeune employé de librairie, sans doute intérimaire, une quantité
négligeable dans l’immensité de cette institution vénérable (une dame nous dit
quoi faire, nous donne des ordres et très clairement on n’est personne pour
elle, la responsable, rapide et efficace qui nous dit : vous mettrez ça
ici, ensuite vous rangerez ceci, vous…), et voici que nous tombe dans les mains
une sorte de cahier, une sorte d’agenda plutôt, qui selon toute vraisemblance a
été égaré, a été oublié par un client récent, qui se trouve n’être nul autre
qu’un auteur prestigieux, depuis de longues années déjà, et que malgré une
légère incertitude de notre part on a bien envie d’appeler « Michel
Tournier ». Evidemment on l’ouvre, ce n’est même pas de la curiosité, il
fallait bien que l’on mette un nom sur l’objet, et voici qu’à la page
d’aujourd’hui on lit « Chroniques imaginaires de la mort vive, de
Philippe Annocque. » Si l’on comprend bien, Michel Tournier, si c’est bien
lui (mais si ce n’est pas lui c’en est un autre, non moins fameux), est à la
recherche de ce livre. On en est tout ébaubi. On en est tout attendri dans son
cœur de midinette.
Ce qui nous chiffonne un peu
(mais à peine), c’est que ce n’est pas pour lui, qu’il cherche ce livre, si
l’on comprend bien, c’est pour quelqu’un d’autre, quelqu’un que l’on ne connaît
pas, dont le nom figure à côté du titre.
Ce qui plus durablement étonne,
ce sont les caractères dans lesquels tout cela est écrit. On est bien pourtant
à l’intérieur d’un agenda personnel ; et tout cela, de la main même de son
propriétaire, apparaît en grosses lettres d’or, en caractères d’imprimerie
richement imprimés. Cela semble bien solennel. Cela semble trop beau pour
être vrai.
Mémoires des
failles, éditions de l’Attente, mai 2015, p. 224-225.
Vrai différemment, autrement dit
dans la vie qu’on dit réelle, figurez-vous qu’une fois, il y a quelques années
(mais l’extrait ci-dessus était déjà écrit), je m’en vais découvrir l’une des rares
librairies de ma région, dont on m’avait avec justesse fait l’éloge. Je flâne
dans les rayons, on y a fait de beaux choix, en attendant aussi, soyons honnête,
de jouer un peu le VRP de moi-même, puisqu’il me faut bien admettre que je suis
quelqu’un qui a quelque chose à vendre ; et au moment précis où je m’apprête
à aborder la libraire, voici qu’un client ouvre la porte à qui bien sûr je
laisse la place, d’autant plus que c’est un vieux monsieur qui vient chercher
sa commande, et c’est pour Monsieur Tournier, mais oui mais oui, je ne l’avais
pas reconnu sous son bonnet, trop tard il est déjà sorti, qui vient en toute
innocence me voler la vedette, mince alors, et que je salue aujourd’hui avec un
peu de retard, ainsi que Lydia, qui tient la jolie libraire Les Racines du
Vent, à Chevreuse.
lundi 18 janvier 2016
La grande faute du Président Jospin
C’est quand même de ne pas avoir
lancé un projet de réforme du scrutin des présidentielles quand il était au
pouvoir. Franchement, c’était plus important que le passage au quinquennat.
L’homme a la mémoire courte quand
il a échappé au pire, il est bon parfois de la lui rafraîchir. Rappelez-vous.
En 2002, au premier tour, c’est de quelques milliers de voix seulement que
Lionel Jospin précède Jean-Marie Le Pen. Sueur froide. On n’y croyait pas. Et
puis l’émoi du moment a vite passé, avec la victoire de Jospin sur Chirac on a
un peu oublié l’affaire. Mais tout de même, un tel scénario – osons carrément
proférer la chose : Le Pen au second tour des présidentielles, avec pour
beaucoup d’électeurs de gauche le sentiment de devoir voter Chirac pour faire
front –, un tel scénario n’avait rien d’invraisemblable. Il aurait suffi par
exemple que Charles Pasqua ne soit pas parvenu à réunir ses cinq cents
signatures et se soit retrouvé dans l’impossibilité de se présenter. On peut
très bien imaginer qu’une partie de ses voix se soit reportée sur le leader du
Front National. La chose est tout à fait possible. Evidemment on dira que je
vois les choses en noir, ou que mon imagination galope. Sans doute. Mais enfin,
faisons comme si la chose avait pu avoir lieu. Que se serait-il passé si on s’était
retrouvé avec un second tour Chirac / Le Pen ? L’extrême droite a beau
être bien implantée dans notre pays depuis toujours, j’ai du mal à imaginer que
Le Pen ait obtenu plus de 20% des voix. Allez, soyons larges, 25%. (Oui, sa
fille, aujourd’hui, avec son FN new look et la crise que nous traversons
pourrait peut-être faire un peu plus, c’est possible. Mais restons en 2002.)
Indépendamment de ce qu’on pense des idées défendues par le Front National, n’y
a-t-il pas quelque chose de scandaleusement illogique, comme dirait Spok, à ce
que le candidat choisi pour affronter Chirac au second tour soit l’un de ceux
qui ait le moins de chances de l’emporter ? Car même à 25 % (et entre nous
je ne pense pas que Le Pen aurait atteint simplement les 20 %), son score
aurait été ridicule. Jospin a fait 51. Bayrou aussi aurait sans doute eu des
chances de battre Chirac. Et Chevènement. Mais même parmi les
« petits » candidats, j’aurais été bien curieux de voir par exemple
combien aurait fait Christiane Taubira, dont on n’entend plus tellement parler.
Face à Chirac, elle aurait peut-être bien fait le double de Le Pen, qui sait.
Quel sens aurait eu une telle élection, sinon la faillite de la Ve
République ?
Non, la grande faute du Président
Jospin, ça a été de pas tenter la grande réforme attendue des Français :
qu’on tienne compte en premier lieu de ce dont ils ne veulent surtout pas.
Ce n’est pas au second tour des élections qu’il faut voter contre, comme on
aurait été amenés à le faire en 2002 dans mon scénario catastrophe, c’est au
premier tour qu’il faudrait pouvoir le faire. Au premier tour, on devrait avoir
la possibilité de voter contre le programme qui nous fait le plus horreur et
d’éliminer le candidat qui le représente, afin de pouvoir procéder à un vrai
choix aux deux tours suivants. Comme en démocratie, quoi.
Comment ? Ça fait trois
tours ? Et alors ?
dimanche 17 janvier 2016
Monochromie de l’homme
Ne croyez pas ce qu’on
raconte : chez les hommes, il n’y a qu’une seule et unique couleur de
peau. Bien sûr il y a des nuances, on peut être plus clair ou plus foncé, c’est
vrai, mais à l’intérieur d’une seule et même partie du spectre. Qu’on soit bleu
ciel ou bleu nuit, ou de n’importe quel autre bleu intermédiaire, nous sommes
tous bleus ; la chose est tout simplement indiscutable.
samedi 16 janvier 2016
mercredi 13 janvier 2016
Qui doit décider de la nécessité de primaires à gauche ?
Alors comme ça les primaires à
gauche c’est pas automatique ? (Enfin à gauche, je veux dire au PS ;
disons à droite moins à droite que la droite qui est plus à droite sans être
pour autant autant à droite que la droite qui l’est encore plus.) Sous prétexte
que l’actuel président en est (on ose plus dire de quoi), il faudrait
nécessairement qu’il soit présent aux élections suivantes ? (Dans président
se cache présent.) Et il faudra qu’on attende son aval pour en
décider ? Ce levier ramassé quasi par hasard juste pour extraire le
Sarkozy malencontreusement planté dans notre plafond, et qui n’aurait
probablement jamais été élu sans l’aveugle obstination dudit (oui, Sarkozy, ne
m’obligez pas à répéter) à se représenter, devrait légitimement être le
candidat propre à incarner les aspirations de toute la gauche vraiment
socialiste ?
Incarner, voilà le problème. On
en viendrait à honnir les personnes, quand ce sont les idées qui comptent. Vous
avez compris ce que je pense de la Ve République.
En attendant, question : Qui doit décider de la
nécessité de primaires à gauche ?
mardi 12 janvier 2016
Combien, pour ce travail ?
– Et on vous paie combien, pour
ce travail ?
– Ah mais rien du tout. Vous êtes
étranger je présume ?
– En effet.
– Dans ce pays on ne paie pas les
gens pour leur travail. C’est interdit par la loi.
– Vous voulez dire que les gens
qui travaillent ne sont pas payés ?
– Absolument.
– Mais de quoi vivez-vous ?
– Nous sommes payés, mais par
pour notre travail.
– Et pourquoi travaillez-vous, si
vous êtes payés même sans travailler ?
– Il y a des choses qu’il faut
faire. D’ailleurs c’est vous qui appelez ça un travail. Vous-même, dans votre
pays, quand vous faites quelque chose que vous estimez devoir faire, êtes-vous
toujours payé pour ? Mais peut-être dans ce cas n’appelez-vous plus cela
un travail.
lundi 11 janvier 2016
La réception de votre œuvre est-elle conforme à vos attentes ?
– Estimez-vous que la réception de votre œuvre
est satisfaisante, conforme à vos attentes ?
– Je n’avais évidemment aucune attente en
commençant à écrire. J’ai longtemps considéré qu’être publié aux éditions de
Minuit était un honneur et un bonheur suffisants et même inespérés. Mais l’insatisfaction
est une caractéristique de l’écrivain. Si le monde était à sa convenance, il n’écrirait
pas. Cette insatisfaction touche donc aussi sa propre condition, quelle qu’elle
soit. La gloire suprême serait de voir les 7 milliards d’humains qui peuplent
cette Terre suspendre tous ensemble leurs activités pour ouvrir un livre de l’auteur
et s’absorber dans sa lecture avec un fin sourire et un léger hochement de tête.
Tant que je n’assisterai pas à une telle chose, j’aurai au cœur un peu d’amertume.
Puis quand elle se produira, dans quelques années (ma patience sera récompensée :
nous serons alors 10 milliards !)… je mourrai sur-le-champ d’angoisse et
de terreur.
(On aura bien sûr reconnu Eric
Chevillard ; quant à l’intervieweur qui lui pose notamment cette bonne
blague de question, ce n’est autre que Pierre Jourde, tout cela dans le n° 1026 de
la revue Europe, autrement dit celui d’octobre 2014, qu’on a eu la délicate
attention de me prêter.)
dimanche 10 janvier 2016
histoire courte
L'égalité entre la femme et l'homme prend un peu de temps mais le processus est inéluctable. Voici déjà qu'avec l'âge au menton de la première les poils apparaissent tandis qu'au second c'est la poitrine qui pousse, gageons que bientôt seul un spécialiste saura distinguer l'un de l'autre leurs squelettes.
vendredi 8 janvier 2016
jeudi 7 janvier 2016
Vivement personne (un vœu pieux)
Vous avez vu ? Scandale à Angoulême :
aucune femme parmi les trente auteurs nommés pour le grand prix du festival, si
j’ai bien compris. Ça fait bizarre en effet. Et puis comme ça, pris d’une
inspiration malheureuse, voilà que je regarde la liste de mes dernières
lectures : mince, c’est furieusement masculin aussi. Qu’est-ce que c’est
que ce type qui ne lit que des bonshommes ? (En ce moment, hein, pas tout
le temps quand même.)
En même temps, je ne peux pas
m’empêcher de trouver très-idiot le choix d’une lecture en fonction du sexe de
l’auteur. Ça me donnerait l’impression de demander à la personne de se
déculotter afin de procéder à une vérification officielle, on n’est jamais sûr
de rien ; ça n’est pas vraiment comme ça que je conçois la lecture.
(Pendant qu’on y est, je ne peux pas non plus m’empêcher de trouver très-idiot
le choix d’une lecture en fonction l’origine géographique de l’auteur, un
critère pourtant très en vogue.)
Non, je ne vais rien changer. Et
pourtant il y a clairement là un problème (ou disons : le symptôme d’un
problème). Là aussi. Parce qu’il y a d’abord un problème avec l’idée que la
littérature devrait s’incarner dans des personnes, et aussi que les personnes
se définiraient notamment par leur sexe (ou par leur origine géographique). Il
y a un problème avec l’idée que des personnes devraient incarner autre chose
qu’elles-mêmes. (Par exemple un pouvoir exécutif, pendant qu’on y est ; à
bas la Ve République.) Il serait temps que la personne s’efface un
peu du paysage.
mercredi 6 janvier 2016
Bons à rien
La gomme oh oui la gomme
évidemment c’est presque trop facile la gomme.
L’aspirateur tout de même
l’aspirateur c’est merveilleux on n’a pas fait mieux.
La tondeuse oui la tondeuse
surtout sur coussins d’air.
La paille bien sûr la paille du
diabolo menthe et son bruit de la fin.
mardi 5 janvier 2016
lundi 4 janvier 2016
dans le solstice d’une araignée
Je comprime les murmures au
centre du silence. Les pièces d’eau effleurent l’aveugle. Trois passagers
attendent la venue du train. L’un d’eux sort un perroquet de sa poche. Un autre
brode son oreille. Il éjecte de ses doigts un chapeau à plumes dorées. Le magicien
plein de vanité ignore le décor, les passions exacerbées, la violence. Chacun voulant
dépasser l’autre ils se retrouvent dans le solstice d’une araignée.
Je marche attendant que la pâte
sonore des bruissements se transforme en séismes de cristal.
Miel et alcool, ivresse et
serpents noirs ondulants dans le bleu profond, dans l’outremer des tombes accueillantes.
Dans la chaleur le bois se
ramifie. Puissance ouverte au milieu des façades peintes comme un cirque des
nébuleuses. Marais, racines, chiendent s’enchevêtrent sous ma peau. Pureté de l’œil.
Les auditeurs sont là. Leurs cris ne passent pas la rampe. J’essaie de m’expliquer.
Comme Yemanja, j’émerge des flots et comprends que Médusa est une incarnation
de la Déesse des eaux. Elle a écrit sur
mon corps en lettres rouges.
– L’attente est excessive, je
vais couper des têtes ! hurle un homme en agitant sa machette.
dimanche 3 janvier 2016
Pas Liev lu
En cette veille de rentrée où le temps décidément me manque, c'est Christophe Sanchez qui m'offre mon billet du jour en lisant quelques pages de Pas Liev, qu'il en soit remercié, et bonne année à tous !
samedi 2 janvier 2016
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