Quand j’écris « à suivre » en bas d’un billet, souvent
d’abord j’écris A suivre, puis je me ravise, et j’encadre la formule magique des deux indispensables parenthèses : (A suivre). Didier récemment listait ses souvenirs de BD, moi-même il y a peu
j’évoquais Muñoz et Sampayo ; tout ça me rappelle que oui, il faut que je dise un mot d’(A suivre).
Cette revue, je l’ai découverte à la fin des années soixante-dix, pendant l’adolescence ; elle-même n’était pas bien vieille.
C’était mon grand frère qui l’achetait et qui avait la bonne idée de me faire partager ses goûts. On lisait (A suivre) d’abord pour Hugo Pratt,
Tardi, Forest ; c’était l’époque de Corto Maltese en Sibérie, Ici Même, La Jonque fantôme vue de l’orchestre
(ôtez-moi d’un
doute : j’ai l’impression que cet album merveilleux, dû à la plume –
ou plutôt au pinceau – de Jean-Claude Forest est un peu méconnu) et
puis, comme un mois c’était long avant d’avoir la
suite, on lisait aussi le reste. (Bon, c’est vrai : je ne crachais
pas non plus sur les créatures de Manara, dont j’appréciais aussi à
l’époque les récits spéculatifs – qui passent moins
bien toutefois aujourd’hui pour le lecteur que je suis devenu.) Le
noir et blanc plus noir que blanc du Bar à Joe m’effrayait et m’attirait à la fois (d’autres aussi en gardent le souvenir), mais j’ai bien fini par en pousser la porte et plus de vingt ans après j’étais encore dans les bars ; la dernière fois que j’ai rencontré Alack Sinner il venait d’être grand-père, et je me suis rendu
compte que j’avais à présent l’âge qu’il avait lors de nos premières rencontres. Les nez en spirale ou en éclair d’Altan,
je les trouvais bien un peu bizarres aussi au
début, mais les petites bêtes qui grouillaient sur les personnages
étaient si séduisantes, et la coiffure irréprochable d’Ada, dans la jungle comme à Macao, et les bandes-son et les commentaires décalés sous les
vignette ! C’est dans (A suivre) aussi (ou dans Pilote, ou dans les deux en même temps que j’ai
connu Régis Franc – mais pour le coup j’avais peut-être un faible pour celui de Pilote,
et pour le Café de la plage). Je devrais en citer encore beaucoup d’autres mais vous savez comme je suis paresseux, après ça va m’en faire trop à
relire alors je parlerai de Francis Masse et de ses Deux du balcon ; je crois bien que
c’est là-dedans que j’ai entendu parler de Steven Jay Gould et de la néoténie pour la première fois – dont il reste des
traces dans Par temps clair –, c’était de l’humour scientifique, quoi (je n’ai pas dit de l’humour de scientifique) ; mais ça rêvait
beaucoup aussi. Et à propos de rêves, ou plutôt de cauchemars, le mot
de la fin ce sera pour Imagex. Imagex, je n’ai jamais su si c’était un
homme ou
une femme qui signait comme ça ; j’ai souvent pensé que c’était une
femme. Dans quelques numéros d’(A suivre) (qui pour le coup ne se suivaient
pas), il y a une histoire étrange (achevée ? je ne m’en souviens pas), Colonie de vacances,
racontée par une petite fille, dans son journal
intime plein de fautes. La colonie est au bord de la mer. Il y a
deux garçons de son âge avec elle. Les autres enfants, les monos, tout
le monde a disparu. Disparu il y a tellement longtemps que
les enfants depuis le temps auraient dû grandir. Au lieu de grandir,
une queue leur pousse, et ils apprennent à voler. Sauf un des garçons,
mais lui il peut faire tomber les avions de guerre qui
passent dans le ciel.
Je sais qu’Imagex a publié sous ce nom un autre album, Mauvais rêves, chez
Artefact (je le sais parce que je l’ai). Mais je ne sais rien de plus.
(A suivre) s’est arrêté en décembre 1997, je crois. C’est ma faute :
ça faisait une dizaine d’années que j’avais perdu l’habitude de l’acheter.
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