Suivre le carnaval
Ses souvenirs les plus anciens, ils devraient être de Cayenne. Car c’est à Cayenne qu’elle est née.
En voici un.
Une fois, à Cayenne, c’est le carnaval. Tu t’es sauvée, pieds nus, pour suivre le vidé. Le carnaval est une fête dans l’esprit de la petite fille et l’esprit de fête du carnaval a traversé l’océan et les années.
Quand tu dis « le vidé », je ne sais pas bien ce que c’est, mais c’est de la couleur et de la musique que je vois. Que j’entends. Un rythme. Je ne peux pas le reproduire avec des mots.
La petite fille aux pieds nus a suivi la foule jusque dans un dancing et quelqu’un l’a assise sur l’estrade.
Ma mère est une petite fille aux pieds nus.
C’est là, sur l’estrade du dancing, que ton grand frère Maurice t’a trouvée. Tes parents te cherchaient partout.
Hier ils se sont parlé au téléphone. Elle avait regardé une émission sur la Guyane. Il lui a demandé si ça lui avait rappelé des souvenirs. Il avait à l’esprit celui qu’on vient de lire ci-dessus, recopié tel quel dans une première version de ce livre. Oui c’était à la première personne, à la deuxième, aux deux. Ce livre est aussi un livre de souvenirs – un livre de souvenirs qui ne sont pas les siens. Elle lui a répondu que non, ça ne lui rappelait rien. Le carnaval était une fête populaire. Elle cherche les mots. Tous ces gens. Ce peuple. Quelque chose à éviter. Il pense à sa grand-mère. Ses craintes. Bien sûr, quelque chose à éviter.
Il doit y avoir beaucoup d’inquiétude à lire sous la phrase « Tes parents te cherchaient partout ».
Elle était à la fête, la petite fille aux pieds nus. Elle aimait la fête.
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