Bibliographie

Interviews

mercredi 13 novembre 2024

Quand j’éternue

Quand j’éternue, je ne dis pas « atchoum » – personne ne dit « atchoum » –, je dis « Ash ! ». Ou plutôt : j’appelle Ash, ou H, ou Hache, car si ne sais pas vraiment comment l’écrire, je sens bien que c’est un appel. Le point d’exclamation, il y est.

Je ne sais pas qui est Ash. Je sais juste que je l’appelle, que je l’appelle encore, encore et encore, du plus profond de moi, et je sais, juste aussi, qu’il ne viendra pas.

mardi 12 novembre 2024

court toujours (293)

C’est mon avis et je ne vous ne le donnerai pas : je n’ai que celui-là.




lundi 11 novembre 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 44

Quand Messerschmied se résolut à retourner chez Brunnen, son humeur était exécrable. Sans doute essayait-il de se persuader que les établissements Brunnen en étaient la cause, mais au fond de lui il devait bien se douter que c’était contre lui-même qu’il était en colère, contre sa propre incapacité à renoncer à la signature du contrat. Lorsqu’il entra dans les locaux de Brunnen, il trouva tout le personnel en proie à une sorte d’hystérie générale : on ne faisait aucun cas de sa présence. Des femmes étaient perchées sur le mobilier tandis que d’autres employés couraient dans les couloirs en poussant des cris, manifestement à la poursuite ou à la recherche de quelque chose sans qu’on pût deviner quoi. Messerschmied s’enquit toutefois du lieu où il pourrait trouver Monsieur Witz et tout de même une employée, malgré la panique, prit le temps de lui indiquer une direction. En effet, Messerschmied finit par reconnaître, couchée par terre et affairée à examiner le dessous du mobilier, une silhouette frêle, en bras de chemise, qui lui sembla bien être celle de Monsieur Witz. C’était Monsieur Witz en effet, mais Messerschmied le reconnut-il vraiment lorsque cet homme habituellement si courtois, si obséquieux même, bondit vers lui en lui hurlant des insanités, où cependant Messerschmied crut comprendre que sa présence, sa présence à lui, Messerschmied, ne pesait pour rien – sauf à titre de nuisance – dans le cataclysme en cours ?

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dimanche 10 novembre 2024

Abécédaire du dimanche (subaquatique)

Abyssal benthos : calmars démesurés, éponges fluorescentes, gorgones, holothuries inactives, jolis kamptozoaires, lasiognathes meublant nos océaniques profondeurs ; que rêver sinon tout un vivier waterful : xiphophores Yucatan, zées…


samedi 9 novembre 2024

Souvenirs de mon père, 13

Quand Tit Père est mort, le 16 février 1937, Tonton Léon a hérité du reste de l’argent. Milou et toi, vous êtes retournés habiter à Amiens avec Mamie et Tit Mé. Tonton Léon donnait de l’argent. Vous étiez ruinés, mais il y avait encore trois bonnes, puis deux, puis une. La « dernière année », l’hiver 1938-39, il n’y avait plus de bonne. Milou et toi, vous vous occupiez de tout. Milou s’occupait de Tit Mé. Milou sortait dans la rue appeler les passants à l’aide pour vous aider à ramasser Tit Mé quand elle tombait du lit.

Le 1er septembre 1939, le jour où la guerre a été déclarée, Tonton Léon a mis Tit Mé aux Incurables. Il a dit : « Il n’y a plus d’argent de Père. Débrouillez-vous. » Mamie a vendu des bijoux, quelques meubles. Vous avez déménagé rue Laurendeau, derrière le cirque. C’est là que, pendant la guerre, vous avez été sinistrés. Tout l’arrière de la maison a été démoli lors d’un bombardement, alors que vous étiez à la cave. Vous n’aviez plus rien à manger.

jeudi 7 novembre 2024

court toujours (292)

Ce sont les myopes qui voient le plus clairement combien tous les gens sont flous.




mercredi 6 novembre 2024

I will visit my neighbour, with my pen,

Avec mon stylo est paru en janvier 2024 aux éditions DO. Qu’est-ce que ça pourrait donner en anglais ? Un petit extrait, pour voir.



Le même passage en français :



Le livre chez DO


Avec mon stylo ("With my pen") was published in January 2024 by éditions DO editions (in french).

What would that sound like in English? Let's hear a short excerpt.

The same in french

The book.

mardi 5 novembre 2024

court toujours (291)

Console-toi : quand tu n’as plus de mains à serrer, tu peux encore serrer des poignées de porte.




lundi 4 novembre 2024

Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 43

Pris de remords, ou poussé par quelque force obscure, Messerschmied fit une nouvelle tentative. Il arriva dans le hall de la société Brunnen au moment où l’ascenseur se refermait ; heureusement quelqu’un le retint à sa demande. Toujours impulsif, Messerschmied se rua à l’intérieur et mit le pied dans une boîte de conserve. Une boîte de conserve ! Que faisait une boîte de conserve, ouverte et pleine qui plus est – une boîte de poissons à la tomate –, que pouvait faire une boîte de conserve dans l’ascenseur d’une société prétendument sérieuse ? C’était plus que Messerschmied ne pouvait en supporter.

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dimanche 3 novembre 2024

Abécédaire du dimanche (comportemental)

Alfred boit. Charles dort. Émile file. Georges hésite. Irénée juge. Karl louvoie. Maurice nie. Oscar parle. Quentin rêve. Simon temporise. Urbain vieillit. Walter xamine. Yves zappe.


(Abécédaires injonctifpolythéisteévénementielau chômagephotographiqueforestierarmé presque jusqu’aux dentscommissionnairemixologiquealphabébêtiqueabécédarophileconversationnelprésidentielonomatopéiquefaunophoniqueproverbialbibliomaniaqueaquoibonistemeurtriertouristiqueculinaireguerrierfloralzoologique)

samedi 2 novembre 2024

Souvenirs de mon père, 12

De nouveau, le passage qui suit est de sa seule main.

Durant mes dernières vacances à Gretz, en 1938, ma spécialité, c’était déjà le saut. Je sautais souvent par-dessus un grand massif de fleurs diverses qui existait à cette époque au milieu du jardin, à la grande frayeur de ma tante et de ma grand-mère, qui craignaient davantage pour leurs fleurs que pour moi. C’est depuis cette époque-là que les sauts d’obstacle spectaculaires sont devenus ma passion.

Quand nous étions à Amiens, en vacances d’abord, puis quand nous y sommes restés définitivement, avant la guerre, Tonton Léon nous emmenait promener en voiture dans toute la région ; c’est pour cela que je connais bien la Picardie. Il nous emmenait aussi au bord de la mer, à Cayeux ou au Crotois, ou à Saint-Valéry-sur-Somme. Nous nous promenions seulement ou nous trempions nos pieds dans l’eau, car nous n’avions pas de maillot. Peu de gens se baignaient, d’ailleurs. C’est pour cela que je n’ai appris à nager que beaucoup plus tard, au centre de jeunesse.

En 1937, à Paris, à la Villa Robert Lindet, à l’époque où je flirtais avec Jacqueline Dubernais, un jour que je la croisais dans l’escalier, Pauline, la sœur aînée de Guy Bourk et d’Olga, m’a pris dans ses bras ; elle m’a appelé « son petit fiancé » et m’a embrassé sur la bouche. J’en ai été plus inquiété que satisfait et ma mine effarée l’a fait fuir. Elle n’a pas recommencé. Ce fut mon premier baiser sur la bouche. Je devais attendre pas mal d’années avant d’en avoir d’autres. Elle avait quinze ans et j’en avais douze. Quand je l’ai revue, peu après, elle a fait comme si rien ne s’était passé. Plus tard, quand je l’ai revue à mon retour d’Orthez, ni elle ni son frère aîné James ne se sont intéressés à moi.

vendredi 1 novembre 2024

court toujours (290)

Tout est possible. Par exemple, l’autre jour, dans le train, à côté de moi, il y avait une dame qui lisait un livre de Luc Ferry.