– Il faut creuser, dit
Schmollowski. Je ne vois que ça. Il faut s’enterrer avant que les matrices nous
attirent !
Il s’est attaqué au monticule de
sable noir. Il a prévu une cavité juste à la base, un trou où il s’enfouira. Il
a prévu qu’il se tassera là-dedans en position repliée, comme une chauve-souris
en hibernation ou une momie nazca, et qu’il déclenchera au dernier moment une
avalanche qui l’ensevelira, à la dernière heure du quarante-neuvième.
Maintenant, pour rester ici au-delà du jour fatidique, il ne voit que ça.
Il creuse. La matière glisse sur
ses bras, ruisselle. Sans pelle pour évacuer le gravier, sans planche pour
consolider les parois, il est très difficile de construire une cavité de
dimensions convenable.
Dadokian a quitté le belvédère, à
son tour. Il rôde autour de Schmollowski avec des gestes et des soubresauts de
désespoir. Il se penche sur le bord de l’entonnoir que Schmollowski essaie
d’agrandir, et où sans cesse refluent des quantités énormes de matière noire.
– Bougez-vous, Dadokian ! le
rudoie Schmollowski. Les forces de la réincarnation vont se déchaîner, ce n’est
pas le moment de traînasser !…
– Je viens de recevoir un message
radio, annonce Dadokian. Il ne reste plus que trois jours.
Antoine Volodine, Bardo or not bardo, Seuil,
2004, p. 195-196.
Oui, après Terminus radieux,
j’avais envie de prolonger un peu ma visite entre la vie et la mort. Eh bien
j’en ressors requinqué. Bardo or not bardo est sans doute l’un des
livres les plus drôles de Volodine. C’est évidemment l’humour du désastre,
n’empêche : ça donnerait presque envie de mourir, juste histoire de
trouver comment ne pas se réincarner sans pour autant disparaître dans la
Claire Lumière ; faut pas charrier non plus.
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