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mercredi 8 octobre 2014

Creusons le Bardo.



– Il faut creuser, dit Schmollowski. Je ne vois que ça. Il faut s’enterrer avant que les matrices nous attirent !
Il s’est attaqué au monticule de sable noir. Il a prévu une cavité juste à la base, un trou où il s’enfouira. Il a prévu qu’il se tassera là-dedans en position repliée, comme une chauve-souris en hibernation ou une momie nazca, et qu’il déclenchera au dernier moment une avalanche qui l’ensevelira, à la dernière heure du quarante-neuvième. Maintenant, pour rester ici au-delà du jour fatidique, il ne voit que ça.
Il creuse. La matière glisse sur ses bras, ruisselle. Sans pelle pour évacuer le gravier, sans planche pour consolider les parois, il est très difficile de construire une cavité de dimensions convenable.
Dadokian a quitté le belvédère, à son tour. Il rôde autour de Schmollowski avec des gestes et des soubresauts de désespoir. Il se penche sur le bord de l’entonnoir que Schmollowski essaie d’agrandir, et où sans cesse refluent des quantités énormes de matière noire.
– Bougez-vous, Dadokian ! le rudoie Schmollowski. Les forces de la réincarnation vont se déchaîner, ce n’est pas le moment de traînasser !…
– Je viens de recevoir un message radio, annonce Dadokian. Il ne reste plus que trois jours.

Antoine Volodine, Bardo or not bardo, Seuil, 2004, p. 195-196.

Oui, après Terminus radieux, j’avais envie de prolonger un peu ma visite entre la vie et la mort. Eh bien j’en ressors requinqué. Bardo or not bardo est sans doute l’un des livres les plus drôles de Volodine. C’est évidemment l’humour du désastre, n’empêche : ça donnerait presque envie de mourir, juste histoire de trouver comment ne pas se réincarner sans pour autant disparaître dans la Claire Lumière ; faut pas charrier non plus.

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