L’étrange couleur de sa peau annonçait joliment l’uniforme orange qui lui irait si bien.
Bibliographie
Interviews
mardi 11 mars 2025
lundi 10 mars 2025
Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 61
Messerschmied, alors qu’il venait tout juste d’arriver chez Brunnen et que, avant même d’être reçu, il avait sorti de sa serviette un exemplaire du contrat, comme pour le relire une dernière fois, se rendit compte que ce dernier venait de se déchirer en deux parties entre ses mains ; la liasse entière de papier, déchirée de haut en bas ! Comment cela était-il possible ? Ce n’était pourtant pas lui qui l’avait déchiré.
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dimanche 9 mars 2025
Abécédaire du dimanche (mallarmoïde)
Aboli bibelot, coup, dés : ennui fui, givre.
Hasard : inanité jadis, Kybalion livre
Murmuré, noire onyx, Poe qui remercie six
Tombeaux usés. Vivront Wagner, X , Ylyx, Zyx ?
Abécédaires mondaybluesy, tintinophile, mathématoïde, héroïque, lacunaire, ineffable, hygiénique, ornithophile, compétitif, mycologique, musical, apocalyptique, pictural, brigand, soûlographique, bibliophilique, subaquatique, comportemental, injonctif, polythéiste, événementiel, chômeur, photographique, forestier, armé, commissionnaire, mixologique, alphabébêtique, abécédarophile, conversationnel, présidentiel, onomatopéique, faunophonique, proverbial, bibliomaniaque, aquoiboniste, meurtrier, touristique, culinaire, guerrier, floral, zoologique)
samedi 8 mars 2025
Souvenirs de mon père, 30 (réfugiés)
A Orthez, comme tu étais né à Paris, les filles subjuguées t’appelaient « le Parisien ». Tu avais beaucoup de succès, même – et surtout – auprès de filles nettement plus âgées. Toi-même, tu paraissais plus vieux que ton âge. Une fois, l’une d’elle t’a fait visiter son jardin. Elle avait dix-huit ans. Elle a cueilli un œillet, elle l’a embrassé et elle te l’a tendu en te disant : « C’est dommage qu’il y ait cette différence d’âge. » Tu as gardé l’œillet. Elle s’appelait Aline Fourcade.
Tu n’as aucunement profité de tes succès. Tu étais d’une naïveté et d’une gaucherie incroyable. Il faut dire que tu n’avais pas l’habitude des filles.
Ta vie à Orthez était à l’opposé de ce que tu avais vécu avant : c’était le Paradis.
Au centre d’accueil, tu te montrais très actif et prêt à prendre des initiatives. On t’y confiait de plus en plus de responsabilités. Le patron des Nouvelles Galeries, qui possédait une propriété en Zone Libre et souhaitait s’y retirer, a fini par demander à ce que tu deviennes le responsable du centre à sa place. C’est ainsi qu’à quinze ans et demi (tu en paraissais bien dix-huit), c’est toi qui accueillais les réfugiés, qui les comptabilisais, qui les répartissais dans les dortoirs, les plaçais au réfectoire et indiquais aux cuisines le nombre de repas à préparer. Un jour où il manquait un plat (ce qui représentait plusieurs parts), tu es allé à vélo jusqu’à la cuisine (qui se trouvait assez loin), et tu as rapporté le plat – des tranches de veau dans de la sauce – jusqu’au centre, en pédalant sans les mains.
jeudi 6 mars 2025
Guy Bennett En exergue : « Écrire, c’est lire avant même que ce soit écrit »
Attention, le titre de ce billet est trompeur – et peut-être d’autant plus éclairant.
Quand j’ai vu que Guy Bennett avait publié un nouveau livre (il est paru en janvier aux éditions LansKine, on ne m’avait rien dit, il me faudrait un secrétaire chargé de m’informer de tous les livres qui paraissent et qui ont des chances de m’intéresser, il aurait du travail, non pas que ces livres soient si nombreux, mais parce que, comme c’est écrit en-dessous de ces Hublots « la visibilité est mauvaise), je suis passé à la librairie de la ville où je travaille (les habitants des Essarts-le-Roi sont de sacrés veinards, ils ont une vraie librairie pour eux, c’est rarissime pour une commune francilienne de cette taille) pour le commander.
Bien sûr j’avais déjà dans l’idée, après lecture, d’écrire un petit billet dessus, comme je l’ai déjà fait pour Poèmes évidents, Ce livre, Œuvres presque accomplies, et Remerciements, tous du même Guy Bennett dont, on l’aura compris, le travail m’intéresse au plus haut point. Qui plus est, En exergue (c’est le titre de ce nouveau livre) est paru aux éditions LansKine où doit paraître mon petit prochain (mais chut). Qui plus est, En exergue (c’est le titre de ce nouveau livre) est, ou était, car j’en ai lu la quatrième de couverture avant d’ouvrir le livre, « une méditation sur l’usage et l’abus des citations dans le discours, dans la littérature, dans la vie ». Lesquelles sont la matrice même d’En exergue. Elles y sont comme il se doit placées en exergue, l’une toutefois plus que d’autres, puisqu’elle est en exergue de tout le livre En exergue même – on ne s’étonnera pas de la devoir à Borges : « Je constate avec une sorte de mélancolie douce-amère que tout au monde me ramène à une citation ou à un livre. » Certaines sont tellement dignes d’être en exergue qu’elles ne le sont pas : en gros caractères, elles remplissent leur propre page, nous laissant à penser que c’est à nous de penser.
Car les autres vont par paire, se répondant, se faisant écho ou faisant mine de s’opposer ; et c’est cette paire même – une citation en regard d’une autre – qui donne matière à la réflexion de l’auteur, dans un commentaire également double : x par rapport à y, y par rapport à x.
Et voici que, dès la page 11, après un développement généré par la rencontre sur une page de Guy Bennett de deux réflexions sur ce qu’est l’écriture respectivement de Marguerite Duras et Claude Roy, en vient un autre, inspiré sur le même sujet (qui l’est toujours sans jamais l’être jamais, c’est juste l’infini ce truc) par Laure Limongi et Eve Sauze-Chapel. Or, là où l’on n’attendait que le dialogue entre ces deux dernières, voici que vient s’insérer une parenthèse (au diable ces parenthèses !) dans laquelle s’ouvrent des guillemets : on y lit une autre citation encore, laquelle n’est pas en exergue, c’est une petite esseulée, ou une petite bien entourée. Je vous recopie cette parenthèse, en voici une au moins qu’on ne pourra pas m’imputer :
« (comme Philippe Annocque l’a remarqué, « Écrire, c’est lire avant même que ce soit écrit ».) »
Oui, vous avez bien lu : il semblerait que l’auteur de cette citation soit aussi l’auteur de ce billet. J’écris « il semblerait » car j’avoue ne plus savoir où j’aurais écrit, ou prononcé, cette phrase, ni même si elle est vraiment de moi. Mais comme j’ai par principe toute confiance en l’auteur, je fais confiance à Guy Bennett : cette citation doit être de moi. D’ailleurs, si je m’interroge, je dois bien reconnaître qu’elle pourrait l’être. Je pourrais très bien avoir écrit « Écrire, c’est lire avant même que ce soit écrit ». Cela correspond à quelque chose que je pense, ou que je sens. Dès lors, pourquoi cet instant de doute (indépendamment du fait que je doute de tout ce qui me concerne – mais cela ne concerne que moi) ? C’est très certainement, c’est indiscutablement lié à la pratique même de la citation. On extrait une phrase de son contexte (mais si on le fait, c’est parce que l’auteur lui-même a rendu possible cette extraction ; l’auteur a préparé dans son texte les citations potentielles – certains même le font d’une manière un peu pathétique), j’ai rendu possible cette extraction. La citation est une phrase qui n’est plus vraiment de l’auteur qui l’a écrite ; elle est presque davantage de l’auteur qui la cite – du moins est-ce ainsi que je vois les choses quand je me vois cité. Plus encore, la citation, avec cette forme aphoristique qui la caractérise souvent, a été, consciemment ou non, écrite pour être détachée de son contexte, pour être citée. Le présent gnomique, l’emploi d’un déterminant à valeur générale, tout cela détache la future citation de la singularité du texte. C’est une phrase démontable prévue pour l’usage commun.
Ce billet est déjà démesurément long, aussi m’arrêterai-je ici, alors que je n’ai encore rien dit ou presque d’En exergue. Ou peut-être que si ? Lisez-le et dites-moi.
mercredi 5 mars 2025
Mon classique du mercredi : Outrage au public, de Peter Handke
En revanche je me souviens parfaitement de quand et comment j’ai eu connaissance pour la première fois de cette pièce – mais est-ce une pièce ? – de Peter Handke. C’était en 1981. Nous montions, dans le cadre du club théâtre du lycée, un spectacle composite (dont je lirai peut-être quelques extraits un de ces quatre mercredis) et, pour le programme distribué aux spectateurs, Danielle Auby, qui mettait en scène, avait judicieusement choisi la fin du passage ci-dessus, afin que le public ne sache pas à quoi ne pas s’attendre.
Je dois confesser en le relisant aujourd’hui que je sens son influence dans mon travail. En fait c’est le cas de tous les textes que j’ai lus les mercredis précédents, et que j’ai découvert jeune.
La traduction est de Jean Sigrid et la pièce publiée aux éditions de l’Arche.
mardi 4 mars 2025
court toujours (322)
Le Citron détient le record de longévité à l’état imaginal.
(Ça aurait pu être dans Notes sur les noms de la nature.)
(J’en ai vu un ce week-end.)
lundi 3 mars 2025
sa vie de chaman
(…)
il voyage au nord
là-bas il a des visions nouvelles
il voyage à l’ouest
là-bas il a des visions nouvelles
il voyage au sud
là-bas il a des visions nouvelles
il voyage à l’est
là-bas il a des visions nouvelles
ses voyages sont tous des voyages vers la lumière
une fois rentré un incident se produit
à la laverie une vieille femme lui arrache la tête
la jette dans la machine à laver et appuie sur ON
la vieille femme danse comme une folle
la tête tourne et tourne dans le tambour
mais n’éclate pas
la tête est traversée par la vision d’un arbre mort
où sont perchés des oiseaux déplumés
on dispose le reste de son corps
dans un appartement sombre
un vieil homme découpe son corps en plusieurs morceaux
et les jette dans une marmite pleine d’eau bouillante
il fait frire ses jambes
il fait frire sa poitrine
il fait frire son cul
il fait frire sa bite
on sert tous les morceaux frits
à une table où sont assis tous les démons de la terre
quand la tête est sortie du tambour bien essorée
la vieille femme lui dit qu’il connaît désormais
tous les mauvais esprits qu’il devra combattre
les démons se sont régalés de son corps frit
on récupère les os
on les nettoie bien
ses os brillent comme neufs
on les recouvre d’une chair nouvelle
on rassemble tous les morceaux et on fait un nouveau corps
on y colle la tête tambourinée
qui a vu l’arbre mort
(…)
C’est un extrait de « Sa vie de chaman », l’un des très variés poèmes du tout nouveau recueil de Laurent Margantin, Les sentiers du chaos, paru aux éditions Tarmac.
Le Contrat, par Franquin et Kafka, épisode 60
Il n’était pas possible de signer le contrat : il y avait plein d’oiseaux qui volaient partout dans les bureaux.
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dimanche 2 mars 2025
Abécédaire du dimanche (mondaybluesy)
Au boulot, car dimanche est fini. Galère hebdomadaire. Irai-je ? Kif-kif : lundi, mardi… notre oiseux pensum. Quelle rengaine ! Se taper un vaseux webinaire xyloglotte, y zapper…
Abécédaires tintinophile, mathématoïde, héroïque, lacunaire, ineffable, hygiénique, ornithophile, compétitif, mycologique, musical, apocalyptique, pictural, brigand, soûlographique, bibliophilique, subaquatique, comportemental, injonctif, polythéiste, événementiel, chômeur, photographique, forestier, armé, commissionnaire, mixologique, alphabébêtique, abécédarophile, conversationnel, présidentiel, onomatopéique, faunophonique, proverbial, bibliomaniaque, aquoiboniste, meurtrier, touristique, culinaire, guerrier, floral, zoologique)
samedi 1 mars 2025
Souvenirs de mon père, 29 (réfugiés)
Pendant ce temps, depuis Orléans où elle était juste descendue de votre train pour téléphoner à son frère, ta mère avait été embarquée dans un train pour la Bretagne, à Planguenoal. De là-bas, elle lui a écrit (Tonton Léon était toujours à Paris à ce moment-là) et, comme vous aviez aussi écrit à votre oncle de votre côté, vous avez pu avoir des nouvelles de votre mère. On voulait vous faire transférer près d’elle en Bretagne (tu n’avais toujours que quinze ans). Mais vous étiez très bien à Orthez, et comme la fille du maire avait le béguin pour toi, elle a insisté auprès de son père pour que ce soit votre mère (qui après tout était toute seule et sans bagages) qui soit rapatriée à Orthez. Lorsque ta mère t’a vue l’accueillir à la gare avec « ton beau complet blanc et ton beau sourire » (ce sont ses mots), elle t’a comparé à un ange.
Vous avez changé de logement chez l’habitant à l’arrivée de Mamie. Vous avez emménagé dans une entreprise, une fabrique de chaises. Il y avait des puces du bois qui venaient vous torturer la nuit.